L’image d’Epinal

….I.  L'image d'Epinal

Par référence aux anales maçonniques dites ‘‘Fasta-Latomorum’’, que nous avons reprises partiellement dans le volet ‘‘Les chroniques écossoises’’ de notre site, Robert Amadou qui en est le rédacteur procède à une

chronologie des événements constitutifs de la Franc-Maçonnerie,

dans laquelle se succèdent de 1212 à 1979,

en linéaire, et sans césure aucune, 200 dates de « faits marquants ».

L’analyse de cette chronologie, dans son intégralité, permet de dénombrer avant 1717 une distribution des jalons dans le temps particulièrement équilibrée et enchaînés les uns aux autres comme suit :

  •   durant le XIIIème siècle       (de 1212 à 1283)
  •   durant le XIVème siècle       (de 1314 à 1397)
  •   durant le XVème siècle        (de 1410 à 1475)
  •   durant le XVIème siècle       (de 1550 à 1599)
  •   durant le XVIIème siècle      (de 1600 à 1696)

soit le déroulement de 33 faits et/ou événements identifiés.
Robert Amadou poursuit cette liste commémorative au-delà de 1717 pour recenser 167 faits marquants qui se succèdent toujours en linéaire et sans césure aucune.

Cette chronologie de Robert Amadou n’est pas unique, celle de Claude Antoine Thory intitulée :

Acta Latomorum ou

chronologie de l’Histoire de la Franche-Maçonnerie française et étrangère

précise en préface son objet rédigé comme suit :

‘‘ Contenant les faits les plus remarquables de l’Institution, depuis ses temps obscurs jusques en l’année 1814 ;  la suite des Grands-Maîtres,  la Nomenclature des Rites ;  la Bibliographie des principaux Ouvrages publiés sur l’Histoire de l’Ordre depuis 1723 ”.

Ces deux chronologies ont donc en commun de reprendre les faits les plus remarquables d’une seule Franc-Maçonnerie.
Mais que peuvent penser nos Initiés et les Profanes, ignorant ou méconnaissant l’histoire de l’Institution, et qui n’ont donc pas forcément eu connaissance de ces annales?
Tout naturellement, ils peuvent imaginer ou envisager que les Francs-Maçons contemporains sont d’une certaine manière les descendants des bâtisseurs de cathédrales.
L’image d’Epinal est installée, verrouillée, démontrée, défendue !

  1. au commencement était l’opératif.
  2. puis advint le spéculatif, que l’opératif accepta.
  3. enfin, ne demeura que le spéculatif.

….

Or, c’est faux. Masquer l’Histoire au Franc-Maçon cherchant, c’est faire insulte à son intelligence.

…..

La Franche-Maçonnerie de 1717, 1721, 1723 est un habillage conceptuel d’une décision philosophico-politique déjà engagée depuis quelques années, pour des raisons idéologiques et sociétales liées à l’Etat de l’Angleterre.

  • La Maçonnerie franchisée des constructeurs de cathédrale est une chose ;
  • La Franc-maçonnerie contemporaine, plurielle et complexe, en est une troisième, qui n’a rien à voir ni avec la première, ni avec la deuxième.
  • La Franc-maçonnerie de la « Grande Loge de Londres et de Westminster » de 1717 – 1721 – 1723 en est une autre, parfaitement distincte de la précédente, qui ne l’a pas générée ;

Précisions étant faites que la Maçonnerie franchisée des constructeurs de cathédrales :

  1. œuvre pour le Christ et par le Christ ;
  2. ses références vont à la sainte église catholique apostolique et romaine, qu’il s’agisse :

     

    • du Magister Latonus ou du Magister Operum,
    • du Maître qui conçoit et dirige ou de l’opératif de chantier,
    • d’un architecte clerc ou laïc ;
  3. laisse ancrés dans les esprits de façon dominante et permanente :

     

    • la foi en dieu, roi tout puissant et en Marie, sa mère immaculée,
    • l’espoir de paradis ;
  4. soutient les saints populaires, les martyrs et les anges (qui sont des proches) et déclare la messe sacrifice de l’Eucharistie ; saints et martyrs, messe et Eucharistie étant considérés comme des inconditionnels et nécessaires de vie.

Les Old Charges l’attestent, mais qu’en est-il des vrais Anciens Devoirs, à l’exemple de ceux rappelés ci-dessous :

  • le REGIUS de 1390
  • ou encore l’Ordonnance de la cathédrale d’York (1370)
  • ou même le Manuscrit dit Grande Loge n° 1 Angleterre (1583)

.Constat et rapprochement sont les suivants :

  • point de réglementations coutumières de métiers, tels le « règlement du métier de maçon » (1356) de la municipalité de Londres ou encore des statuts SCHAW d’Ecosse de 1598 (qui figurent dans le volet Textes et documents de notre site) ;
  • point de privilèges de métiers, comme le précisa Etienne BOILEAU dans son livre des métiers sous Saint Louis ;
  • point d’assemblées revendicatives anglaises comprises dans les « statuts royaux » (1360) ou dans les livres des « assemblées de maçons » (1425) ;
  • point de pseudos old charges concoctés après l’incendie de Londres de 1666, qui sont des écrits conjoncturels, tels :

    • Chetwode Crawley (1700)
    • Portland (début 18e) ou Corelaine (1728), Buchanam, Watson, Beaumont, …
    • Tew ou Graham (1726)
    • n° 4 – Dumfries (+/-1710)
    • Sloane (repris de 1700)

 

Arrêtons de tout mélanger

La Franc-Maçonnerie de la Grande Loge de Londres et de Westminster est mécréante par rapport à ce qui précède, parce qu’elle est naturaliste, déiste et tolérante bien qu’anti trinitaire.
Seule une philosophie progressiste de l’époque, d’essence humaniste et pacifiste, véhiculée par une élite de lettrés et de scientifiques, a porté LEUR Franc-Maçonnerie sur LEURS fonds baptismaux. Quant à savoir comment, ceci n’est que secondaire.

….

Qu’en est-il de la Franc-Maçonnerie contemporaine qui nous est chère et qui est nôtre ?

Pour rester objectifs, nous donnons la parole à Marius Lepage (cf. revue le Symbolisme – sept./oct. 1954) :

« … Malgré les efforts des Antients et l’Acte d’Union de 1813, la Grande Loge d’Angleterre ne saurait prétendre à un Andersonisme, dont elle a complètement renié l’esprit libertin de libre examen et de religion naturelle.

Les faits et les textes sont évidents… ils ont des yeux et ils ne voient point ».