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La marche du Maître-Maçon

              Morceaux de textes choisis          

morceaux1
.Travail …..Entre Symbolisme et Rituel,   
.Thème ..un regard sur le troisième Grade, la marche du Maître-Maçon   
  Auteur

Elisabeth Mutel – Travail réalisé en janvier 2006

Respectable Loge Robert Ambelain n° 14, Orient de Paris

A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,

         La Marche de l’Initié s’effectue selon un parcours imprégné d’une expression corporelle qui est la réplique d’une avancée synchronisée dans l’échelle des trois Grades symboliques. Cette Marche prend la configuration d’un aperçu en 3 D : le Récipiendaire dans l’enceinte du Temple, son ascension de l’Occident à l’Orient et enfin dans une expression à la fois physique et émotionnelle. La marche du Profane est délaissée à la porte du Temple pour une progression qui s’insère dans le vif du Rituel maçonnique sacralisant le milieu, dans lequel elle se révèle en plusieurs étapes. Celles-ci sont l’objet de mouvements ponctués de silences et de sons, dans un accord parfait avec les éléments matériels et immatériels présentés et disposés dans le Temple et sur le Carré long.

         La Marche est soumise à une gestuelle codifiée qui contribue à créer une atmosphère de recueillement sans laquelle le Temple, serait alors vidé de sa substance, pour n’être plus qu’un théâtre sans moteur de recherche, pas plus qu’une scène destinée à accueillir un spectacle « son et lumières ». La Marche s’effectue dans un axe qui va de l’Occident vers l’Orient. Eclairé par la flamme des neuf Etoiles placées au sommet des trois Colonnettes qui encadrent le Carré long, le Maître évolue lentement. Ses membres s’articulent dans une ascension mesurée et cadencée, position des pieds et des mains, mouvement des bras et port de tête, dont le regard fixé en direction du Trône semble s’approprier la Lumière qui conduit à la Connaissance. Toute déambulation, dont la Marche du Maître, est employée dans des circonstances particulières, notamment par le Maçon en retard à qui l’entrée dans le Temple, après ouverture des Travaux, sera autorisée sur ordre du Maître de Loge ; également lors d’une Réception au cours de laquelle il est enseigné à l’Impétrant la Marche du Grade dont il est gratifié.   

La Marche du Maître évolue en trois étapes :
  • au Signe d’Ordre du premier Grade, les trois pas glissés de l’Apprenti sont suivis d’un Salut de reconnaissance à l’intention du Vénérable, assorti du Signe pénal. Les pas glissés relèvent de la pratique opérative des Charpentiers, afin de s’assurer de la parfaite stabilité de leur posture, dès lors que le pied gauche dirige et le pied droit stabilise sur les poutres de l’édifice en construction, afin de transporter de lourds charges posées sur l’épaule droite ;
  • au Signe d’Ordre du deuxième Grade, la Marche du Compagnon formée de deux pas supplémentaires non glissés, le premier pas du pied droit sur la droite et d’un dernier pas du pied gauche sur la gauche pour se retrouver à l’Occident entre les deux Piliers du Carré long, avant de faire le Signe pénal. A chaque pas, les pieds se rejoignent à l’équerre.
  • au Signe d’Ordre du Maître, trois nouveaux pas élevés dont les deux derniers auront à enjamber le volume figuré du cercueil de l’Architecte, comme suit et ceci directement à la suite de la Marche du Compagnon :
  1. le premier pas à droite, partant du pied droit, puis assembler
  2. le deuxième pas à gauche, partant du pied gauche, puis assembler
  3. le troisième pas à droite, partant du pied droit, puis assembler, pour se retrouver cette fois au plus près de l’Orient (à la gauche du Pilier Sagesse), en terminant par le Signe pénal du troisième Grade.

Ainsi chaque Grade a sa déambulation telle que rappelée ci-avant, comme chaque Grade a son rite de Réception : la Réception de l’Apprenti, le Passage du Compagnon, l’Elévation du Maître-Maçon. Donc la Marche complète du Maître reprend un à un tous les mouvements des deux Grades précédents, sachant qu’au Grade d’Apprenti, on ne parle pas encore de Marche.

         Revenons à la Marche du Maître. Placé en tête du cercueil figuré, entre les deux Piliers à l’Occident, le Maçon fait un pas à droite, emportant le pied droit obliquement en avant et à droite, ramène le pied gauche contre le droit à l’équerre. Il poursuit son trajet d’un pas à gauche décrivant un arc de cercle lui permettant de franchir le volume encombrant du cercueil, puis le pied droit se repositionne à l’équerre contre le pied gauche. Ensuite, il avance dans la ligne médiane, portant obliquement en avant et à droite, d’abord le pied droit et après le pied gauche et finit par les réunir à l’équerre, une fois parvenu au pied du cénotaphe proche de l’Orient.

         Nous relevons une observation exposée par Jules Boucher (dans son ouvrage ‘’La symbolique maçonnique’’) quant à la Marche écossaise qui prescrit le départ du pied gauche, côté de l’affectivité passive et sentimentale. En effet, l’auteur affirme que la Marche du pied gauche se justifie aisément par l’appui ferme du pied droit, comme suit :

« La droite, c’est-à-dire la raison, reste stable tandis que la gauche, c’est-à-dire le sentiment, est seule mobile. Inversement, en partant du pied droit, on lance en avant la raison et le point d’appui étant le pied gauche semblerait montrer qu’on s’appuie sur l’affectivité ‘’passive et sentimentale’’. Le pied droit venant s’appliquer sur le pied gauche ‘’rectifie’’ les erreurs que la gauche a pu commettre. On voit qu’il est facile de réfuter les arguments ‘’rationnels’’ des adversaires de la marche partant du pied gauche ; ces arguments sont d’ailleurs précisons-le purement sentimentaux. »

Si le Compagnon a la faculté de s’écarter d’un seul côté, alors que les pas de l’Apprenti sont rectilignes et glissés au plus près du sol, le Maître évolue de la droite à la gauche pour revenir in fine dans la ligne axiale. Ainsi que dit en préambule, la marche du troisième Grade prend ses marques : 

  • dans l’espace du Carré long orienté d’Occident vers l’Orient intégrant une zone de relief que constitue l’obstacle à l’approche de la fosse imagée par le cercueil figurant sur le Tapis du troisième Grade,
  • dans le temps avec le nombre de pas croissants liés à la Maîtrise,
  • dans son exécution qui demande une élaboration plus structurée que pour celle des deux Grades précédents.

La marche du Maître peut aussi être comparée à une composition littéraire ou orchestrale inscrite sur un cahier de lignes ou une portée de notes de musique, formée d’une énumération en trois séquences dont le dernier acte retrace l’événement de la fin tragique d’Hiram. La mise en scène débute par le découpage des pas coordonnés comme suit : les trois premiers, puis les deux suivants dans une allure qui déborde de la ligne médiane mais dans un fonds encore planiforme ; enfin une montée dans un relief accidenté en dernière étape ; sans négliger une ponctuation (temps de pause et reprise) jusqu’à l’exclamation à la fin du récit, qui donne place au sens du vocal avec la prise de parole.

En effet, une exclamation de douleur et d’accablement remémore la découverte du cadavre d’Hiram qui ferme la Marche du Maître. Cette exclamation est exprimée par le Signe d’horreur accompli dans une élévation des mains jointes, doigts croisés, paume vers le ciel au-dessus de la tête en prononçant les mots « Ah Seigneur mon Dieu ! » pour laisser ensuite retomber les mains sur les flancs. Ce signe traduit le sentiment de profond désarroi et de révolte qui envahit l’esprit et le cœur en raison de circonstances ignominieuses et criminelles. En prolongement, on exécute le Signe de détresse, en s’écrit A:.M:.L:.E:.D:.L:.V:. (France) ou « Sem.  Cham. Japhet » (international)

         En Chambre de Milieu, et y compris lors d’une Réception au troisième Grade, la Loge peut travailler avec ou sans le cercueil. Il est à remarquer que la Réception au Grade de Maître-Maçon du Rite Ecossais Primitif fait une totale abstraction de la scène théâtrale du relèvement du corps, qui n’est point de mise en ce Rite.  Ainsi, Robert Ambelain invoque :  « l’importation sournoise d’une cérémonie introduite vers 1723 par Désaguliers et Anderson, célébration dont on ignore l’auteur, la date d’introduction, l’autorité légitime qui put en justifier l’officialisation, pour apparaître soudainement à la façon d’un trouble-fête, et où la nécromancie et le caractère morbide du rituel s’associent pour en faire un véritable élément de la contre-initiation. »  

         La Marche du Maître introduit l’initié au sein d’une nouvelle « Classe » de travail et d’études, dans laquelle il trouvera l’appui et les encouragements des plus anciens investis de la maturité du Maître acquise inlassablement.  Ses Frères, qui ont compris l’Art royal, sont maintes fois allés à sa rencontre quand il était Apprenti puis Compagnon, pour lui insuffler progressivement leur savoir.  Le Maçon a saisi la signification de la gestuelle du Maître. Il sait qu’il devra acquérir un « mode opératoire » qu’il assimilera à la multiplicité des significations attachées à cette Marche, notamment les pieds et les mains positionnés à l’équerre  –symbole de rectitude–   et

  • avec Sagesse, il adoptera un rythme mesuré dans ses pas, qu’il effectuera avec discipline sans précipitation mais posément et avec une assurance propice à lui donner toute confiance en lui-même,
  • avec Beauté, il évoluera de façon ordonnée, voire éthérée pour plus de grâce, et ce à l’exemple de ses Frères
  • avec Force, il suivra son chemin sans hésitation et avec aisance, pour parvenir jusqu’au cercueil –symbole de la disparition de notre Maître HIRAM–.

         Pour le Maître, que de pas franchis depuis sa Réception dans l’Ordre, à l’issue de laquelle il avançait de trois pas bien timides, mais à la symbolique très forte : les pieds à l’équerre, le pied gauche (le côté du cœur) engage le mouvement pour être rejoint du pied droit (le côté de la raison). Le corps bien droit forme lui aussi une équerre avec le niveau du sol.

         De par son jeune âge, l’Apprenti d’hier, qui ne possède pas encore la raison, a quitté son statut silencieux tout en laissant son cœur se manifester dans une émotion qui ne fera que grandir avec l’apprentissage de la Maçonnerie, laquelle n’est autre qu’une Ecole du cœur.  La marche du Maître est la combinaison de deux mouvements, l’un pris horizontalement ici-bas vers les Hommes, l’autre verticalement pour atteindre un horizon supérieur, celui d’en haut et de l’esprit.

         Correspondant, dans sa première étape, à la marche linéaire et en surface de l’Apprenti et du Compagnon, la marche du Maître s’enchaîne dans une rotation et une élévation du sol pour enjamber le cercueil. Cette évolution d’un plan à un volume, signifie le symbolisme du passage de l’Equerre au Compas.  Le parcours du Maître passe d’un contexte matériel à celui de l’esprit qui le conduira à la Connaissance, aux extrémités définies par les branches du Compas. Aussi au troisième Grade, les branches du Compas recouvrent l’Equerre, l’Esprit domine la Matière, (cf. bijou du Maître-Maçon ci-contre).

         L’ouverture du Compas à 45°, savoir la moitié d’un angle droit, tel que fournie par l’Equerre, permet un tracé stable et sûr sans risque de s’ouvrir malencontreusement durant le travail.  De la sorte, l’Ouvrier, en capacité d’agir avec discernement, méthode et rectitude, dépasse la matière et son esprit peut tenter de satisfaire sa soif de justesse et de Vérité.

         Le Maître se situe « entre l’Equerre et le Compas », autrement dit « entre Ciel et Terre »., entre ce qui est en-haut et ce qui est en-bas. Dès lors, le Maître s’engage dans une nouvelle carrière par l’approche du Compas qui le place à l’entrée du Cercle. Alors que les pas de l’Apprenti ne sont que balbutiement, le Maître parviendra à effectuer sa Marche dans sa préoccupation du plein accomplissement de son Grade. Pour ce faire, il puisera toute énergie dans son for intérieur, progressant toujours vers l’Orient qui conduit à la Lumière, et à la Sagesse incarnée par le Pilier à l’Orient-Sud.

         Devenu Compagnon, le Maçon ayant pris de l’âge et acquis un contrôle de la gestuelle attachée aux Symboles a reçu l’enseignement tiré des Travaux en Loge et du Rituel, qui lui ont révélé l’utilisation de certains outils nécessaires à la construction du Temple. Précédemment appelé à écouter et à regarder, il peut ensuite voyager et prendre la parole afin de partager la richesse de ses Frères. Le Maître sait désormais qu’il peut vivre pleinement et avec assurance le Rite en toute plénitude.  Si la Marche du Maître est plus complexe que celles de l’Apprenti et du Compagnon, elle n’exclut pas les premiers pas du jeune Initié qui seront toujours pratiqués dans sa déambulation, signifiant au Maître que sa vie entière ne sera pas suffisante à la compréhension de toute l’éthique maçonnique et à l’acquisition de la Connaissance. Aussi, le Maître-Maçon ne peut se constituer Maître achevé, mais seule-ment se placer dans un voeu de devenir. Il est en quête de la Vérité, de la Lumière et de la Connaissance, en déployant volonté de parfaire son instruction et ténacité, vaincre ses passions et faire de nouveaux progrès dans la Maçonnerie. Quant à son évolution et à l’image qu’il donne au travers de sa déambulation, le Maître sait qu’il aura à persévérer dans son travail pour éviter les faux-pas, abandonnant les Métaux à la Porte du Temple.

En Garde et à l’Ordre pour l’Initié qui doit se perfectionner dans ce monde ici-bas, où il est accueilli dans une Chaîne d’Amour et de Fraternité qui l’a éveillé à des motivations autres que celles matérielles, dans un univers où tout est canalisé sur le développement, sans compter celui du développement personnel, si il est dit  »durable » est tellement éloigné de la Sagesse et de la croissance spirituelle.

Travail déposé sur le site du REP en octobre 2014

Parenthèse est ici ouverte quant au nom de l’Architecte Hiram, ou les Hommes répondant au nom d’Hiram repris dans les Ecritures bibliques dont le Livre des Rois et les Chroniques qui nous renvoient à trois personnages :

  • Hiram 1er, roi de Tyr, (cf. icône ci-contre) fils d’Abchal, qui prit alliance avec le roi Salomon après la mort de son père David, pour se procurer les matériaux nécessaires à la construction du Temple de Jérusalem. Selon le deuxième Livre des Chroniques (ch.2. v 10 à 12), le roi de Tyr, appelé Houram (en hébreu Hhouram signifie candide) désigne, pour bâtir la maison royale de Yahvé, un homme qui est cité sous le nom de Houram-Abi.
  • Hiram Abi (ou Abif), (en hébreu Hhiram signifie ‘’vie élevée’’, et Hiram-Abi signifie ‘’mon père’’) fils d’un père tyrien et d’une femme de la tribu de Nepthali (ou de Dan) est le personnage central de la légende du 3e Grade des Loges symboliques en tous les Rites. Dénommé Maître Hiram, c’est un homme habile à travailler l’or et l’argent, l’airain et le fer, les pierres et le bois. Architecte, il élabore tous les plans d’un édifice destiné à être construit.
  • Adoniram ou Adhoniram (en hébreu ‘’seigneur Hiram’’, mentionné dans I Rois VII, 27), intendant et chef préposé sur tous les hommes de corvée.

Jules Boucher, dans son ouvrage « La symbolique maçonnique » précise : Hiram-Abi est un éponyme comme Hamourabi, Moab, Achab,… La terminaison ram (être élevé) est commune à Houram (candidat, noble, honnête, blanc, innocence) et Hiram (vie supérieure). Le nom composé Adonhiram est interprété « le divin Hiram », de Adon (dominus, seigneur) terme sémitique d’où procède le nom grec d’Adonis et de Hiram (celsitudo vitae, hauteur de vie). Ce nom a donné Maçonnerie Adonhiramite.

Ainsi, le Compagnon (reçu selon le rite de Passage au deuxième Grade) est élevé à la Maîtrise selon le rite d’Elévation.

2 réponses à “La marche du Maître-Maçon”

  1. Avatar de Hiram
    Hiram

    arrêtez de mettre tout ça en ligne comme ça franchement !

    au moins un mot de passe pour y accéder !

    1. Avatar de mmutel
      mmutel

      Bonjour cher Frère, Et pourquoi donc mettre un Mot de Passe qui limiterait l’accès de nos écrits, de notre vision et de notre sensibilité qui traduisent un ressenti. Quant aux reprises de morceaux de textes, qui ne sont donc pas de notre écriture, ils figurent sur notre site à titre incitatif et pour inviter nos lecteurs à s’emparer des ouvrages correspondants.

      Ne devons-nous pas assurer la TRANSMISSION qui reste un impérieux Devoir des Maîtres ?   A chacun sa perception, la nôtre diffère totalement de vos impressions. Avec nos salutations sincères et véritables.

      Elisabeth Mutel, GM

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