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L’Acclamation écossaise au Rite Ecossais Primitif

              Morceaux de textes choisis          

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.Travail …..   Entre Symbolisme et Rituels,   
.Thème ..l’Acclamation Ecossaise au Rite Ecossais Primitif
  Auteur

Elisabeth Mutel

Respectable Loge Robert Ambelain n° 14, Orient de Paris

A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,

Nombreux sont les Maçons dont les Travaux rituels font usage d’un Mot en deux syllabes prononcé de différentes façons selon le Rite. Ce mot porte toujours une majuscule et bien souvent il est écrit en lettres capitales. Par ailleurs, ce mot est partie intégrante d’une appellation comprenant un attribut identitaire cher aux Jacobites pour former une expression, qui accompagne :

  • la proclamation d’ouverture et la déclaration de fermeture des Travaux aux deux premiers Grades (Apprenti et Compagnon),
  • également les Réceptions d’Impétrants à ces Grades,
  • ou encore dans les Cérémonies particulières : consécration d’un Temple, les deux Tenues solennelles solsticiales, cérémoniaire d’affiliation, Réception d’un Lowton, … au cours desquelles il sera fait alors application d’une chaleureuse formulation comprise dans nos Rituels

Prescrit dans les actes rituels, l’énonciation de ce mot requiert deux expressions, l’une corporelle et la seconde sonore précédée du Signe des Travaux qui vont se dérouler, savoir la Batterie du Grade. Sont ainsi sollicités alternativement les sens attachés à l’ouïe, la vue, la gestuelle, enfin le vocal. 

Qui suis-je ?

Parfaitement intégrée dans le cours des Travaux, revêtue de la spécificité commune à certains Usages compris dans les cérémonies, cette expression, composée d’un mot s’inscrit dans la lignée de la rituélie par son vocable d’origine latine, son adjonction d’une valeur qualitative, voire d’une mesure quantitative (simple ou triple), augmentée d’une identité nationale (écossaise), qui affirment une antériorité que lui confère un Rite strictement écossais. Prononcé en maintes circonstances et invariablement à trois reprises en continu, nous rencontrons pour la première fois ce mot à l’appel général du Maître de la Loge, immédiatement après l’invocation au Grand Architecte de l’Univers, telle une apostrophe signifiant le passage du monde profane, dès lors délaissé, à l’espace sacralisé du Temple (et non sacré puisqu’il ne s’agit pas d’un lieu de culte). Cet appel scelle l’union et l’adhésion des participants aux Travaux placés autour du Carré long, tel un hymne dont l’accord parfait est scindé en trois étapes :

  • la première, corporelle dans la gestuelle correspondant au Signe d’Ordre du Grade des Travaux en Loge (cf. icône ci-contre pour les Travaux en Loge au Signe d’Apprenti),
  • immédiatement enchainée en deuxième étape par la Batterie du Grade des Travaux, elle est dite simple aux deux premiers Grades. Ce signe sonore est composé de trois coups en Loge d’Apprenti et de cinq coups en Loge de Compagnon. Simple, la Batterie prend place en plusieurs cérémonies, comme nous l’avons dit en page précédente. Dite  »triple », elle est utilisée pour une Batterie d’allégresse ;
  • enfin en troisième instance, le dernier élément non pas corporel ni sonore mais vocal est la dernière intervention de l’Assemblée, au cours de laquelle les Membres se calent sur le Maître de Loge pour ouvrir puis fermer les Travaux.

Je suis l’Acclamation écossaise, et je m’exprime par un CRI.

Cette Acclamation relève directement de la prise de parole collective à hauteur d’un seul mot prononcé à l’unisson, si ce n’est crié, invariablement trois fois de suite quel que soit le Grade, sachant que celle-ci garde son développement en trois actions distinctes à tous les Grades. En effet, force est de constater l’envolée de ce mot scandé par tous, outre les visiteurs acceptés dans le Temple, les Apprentis soumis ordinairement à la règle du silence.

L’Acclamation dans son déroulé est en effet bien scandée, c’est-à-dire synchronisée en ces trois étapes. Elle est reproduite dans un ordre identique à la fermeture des Travaux aux deux premiers Grades, selon pareille procédure, savoir précédée de l’invocation au Grand Architecte de l’Univers renouvelée une ultime fois, avant que tous les présents en Loge ne quittent le Temple, sous la Loi du Silence et du Secret des Travaux qui viennent de se dérouler.  Enfin, l’Acclamation est exprimée, comme nous l’avons dit, en trois fois par un seul mot, dont l’écriture est HUZZA. Prononciation (Houzza) et écriture de cette Acclamation semblent s’appliquer au seul Rite Ecossais Primitif, puisque différentes en d’autres Rites, notamment au REAA.

Mais que veut dire Huzza  ?

Outre l’expression d’une grande joie (donc absente au Grade de Maître, silencieux et dans le recueillement), le Rituel stipule « Acclamation écossaise », dont l’interprétation ésotérique se rapproche, d’une invocation à la puissance divine que l’on peut traduire comme suit : « Ceci est ma Force », allusion au Grand Architecte de l’Univers, ce qui assoit parfaitement ce cri immédiatement émis après ladite invocation par le Maître de Loge.

HUZZA au REP, et Houzzai ou Houzze selon les versions au REAA (prononcé Ouzeille), seraient par ailleurs dérivés de l’interprétation phonétique « Houzzé« . Par ailleurs, il convient de préciser qu’à l’origine, il s’agissait de O’Z-ZÉ, composé de la racine O’Z et du suffixe ZÉ, qui viendraient de l’hébreu ‘’Oza’’ signifiant ‘’force’’ et ‘’puissance’’. Mais, c’est de cette langue qu’est tirée l’origine du mot Huzza, lequel signifie ‘’Vie’’, avec l’introduction d’un autre mot prononcé en certains Rites, il s’agit de ‘’Vivat’’.  Ce cri de liesse incarne également la victoire et il se traduit par « sauve donc », ce qui justifie son retrait du rituel d’esprit mortuaire du Grade de Maître-Maçon, sans acclamation.

Pour Albert Lantoine, Huzza prononcé trois fois est une vieille acclamation écossaise, dont l’origine anglaise signifie « Vive le roi » par analogie avec le terme « Vivat », plus communément pris dans le sens de « bravo », pendant que Vivat garde néanmoins le sens de « vie ». Une autre explication est mise en évidence, notamment la déformation d’Houzzé en Hochée ou Hosannah, cri d’allégresse que l’on retrouve dans le récit de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, le jour des Rameaux.

         Nous savons par ailleurs qu’un grand nombre de vocables de la rituélie maçonnique, et cela en plusieurs Rites, sont issus des langues les plus anciennes, notamment le latin, l’hébreu, le grec, l’arabe,… et Huzza n’échappe pas à cette règle.  Dans l’Egypte ancienne, les prêtres et les initiés portaient un rameau d’acacia qu’ils avaient baptisé « houzza ».  Les anciens arabes, qui se servirent de ce mot dans leurs ovations, avaient donné ce nom à Dieu dans leur langue.  Après ce parcours intercontinental, revenons à l’écriture de ce mot anglais dans sa forme la plus reculée à travers les âges.  Selon Vuillaume, celle à retenir est Huzza avec une précision ajoutée sur sa prononciation par ‘’ Houzzaï ‘’ qui diffère de son écriture.

Pourquoi ?  

Parce que cette écriture, peu éloignée de la phonétique, est la plus appropriée à l’incarnation d’une joie en réplique au vivat des Latins, et nous retrouvons l’implication donnée à ce mot par les commentateurs de l’époque qui lui ont associé une ferveur populaire en faveur du roi.  En résumé, Huzza ne porte pas seulement sur le symbole d’une Acclamation, mais offre des nuances salvatrices qui se rapportent non pas uniquement à la force ou à la puissance, mais bien à la victoire, et pour les occidentaux à la joie et à la vie.

Tandis que pour :

  • Albert Lantoine, le mot Huzza a valeur de synonyme de Hourrah !

Parenthèse   A ce titre, ce mot est à rapprocher du verbe ‘’to huzza’’ traduit de l’anglais au français par le verbe acclamer. Il a produit l’Acclamation que nous connaissons, laquelle s’inscrit dans le prolongement de la triple Batterie qualifiée d’Allégresse. Cette Batterie se faisait toujours en l’honneur d’un événement heureux pour une Loge ou pour un Frère. Aujourd’hui il est établi de fait que les Maçons Ecossais usent de cette Acclamation (ainsi qu’en d’autres Rites), notamment à l’issue de la Réception d’un Impétrant quand le Vénérable requiert une Batterie d’Allégresse en signe de réjouissance d’une heureuse acquisition, que vient de faire la Franc-Maçonnerie en général et la Loge en particulier.

et pour :

  • l’auteur du Thuileur de l’Ecossisme, François Henri Stanislas Delaulnaye, HUZZA exprime une traduction rehaussée du  »mot d’Ordre » évoqué ci-avant : « Vive le roi ! » ayant vocation à suppléer le vivat (issu du latin).  Delaulnaye confirme la précision de Vuillaume quant à l’écriture de ce mot et nous rapportons ici son propos exact tel qu’il le transmet en page 5 de son ouvrage précité : « La Batterie se fait en trois coups égaux.  On y joint la  triple  Acclamation  Houzzé, qu’il faut écrire  H U Z Z A, mot anglais qui signifie : Vive le Roi, et qui remplace notre Vivat. »

Parenthèse   Toutes ces interprétations ont pour objet de rappeler que les Francs-Maçons, si injustement dénoncés comme ennemis du Trône, ne dissimulent pas leur allégresse très remarquée dans leur réunion, leur rassemblement, leur Banquet, laquelle est manifestée par un cri qui n’a d’autre prétention que de rendre hommage au souverain régnant par l’expression :  Vive le roi !    Effectivement, cette seconde analyse est en parfaite cohésion avec les obligations d’un Franc-Maçon fixées par les fameuses Constitutions d’Anderson, qui précisent en leur

Chapitre II   –   Du Magistrat civil suprême et subordonné :

« Le Maçon est un paisible sujet vis-à-vis des pouvoirs civils, en quelque endroit qu’il réside ou travaille et ne doit jamais se mêler aux complots et conspirations contre la paix ou le bien-être de la Nation, ni manquer à ses devoirs envers les magistrats… »

Pour terminer, quelques lignes sur l’emploi de l’Acclamation écossaise

Pour nous maçons qui travaillons selon les rituels du Rite Ecossais Primitif, quels que soient nos Grade et qualité, y compris les Apprentis contraints au silence, tous à l’unisson crions trois fois Huzza en levant le bras droit tendu à l’horizontale, paume de la main vers le sol, en signe de rappel du serment prêté, car à l’instant même de notre prestation nous avions ce même bras droit tendu et la main droite posée sur la Bible. A chaque Tenue, nous exprimons ensemble notre joie, certes, mais nous confirmons notre volonté et notre force dans le renouvellement des promesses que nous avons faites au premier jour, celui de notre Initiation.

Nous avons vu que ce mot est décliné en différentes écritures et phonétiques, sur lesquelles nous allons nous attarder quelques minutes, car nous sommes appelés à les entendre lors de nos Voyages.  Si ce mot diffère d’un Rite à l’autre, chez certains d’entre eux il est totalement absent, notamment au Rite Ecossais Rectifié. En usage au REAA avec la phonétique de Houzzaï, la prononciation et l’écriture selon les anciens Usages sont maintenues au Rite Ecossais Primitif au bénéfice de Huzza. Les rituels de la Maçonnerie Ecossaise en sept Grades de la Mère Loge Ecossaise de de Marseille pratiquée par la Loge Saint Jean d’Ecosse ont fait adoption de la Batterie suivie de la triple Acclamation Huzzé. Quant à l’Acclamation « Vivat », selon les Loges et Ateliers elle est employée au Rite Français à concurrence du  »triptyque Liberté, Egalité, Fraternité ».  En revanche, et plus couramment, les Rituels pour les Travaux de Table emploient pour les cinq Santés la triple Batterie suivie d’un triple Vivat. En cas de Banquet blanc auquel participeraient des Profanes, il n’y a pas de Batterie ni d’Acclamation rituelles. Toutefois, peuvent être battus des ‘’bans’’ (ou des Santés) suivis de la triple Acclamation : « Vivat, Vivat, Vivat ».  On peut entendre aussi une autre Acclamation : ‘’Vivat, vivat, Semper vivat’’, qui a pour traduction : ‘’qu’il vive, qu’il vive, qu’il vive toujours’’, au sujet de laquelle Jules Boucher se prononce comme suit : « Cette acclamation fut longtemps employée dans les Loges, avant que fut adoptée la formule ‘’Liberté, Egalité, Fraternité’’. Contrairement à l’opinion générale, nous pensons que cette dernière devise a été adoptée par la Franc-Maçonnerie à la suite de la Révolution Française et que ce n’est pas la Franc-Maçonnerie qui a donné cette devise à la Révolution. La Franc-Maçonnerie manifestait ainsi une sorte d’opportunisme dont malheureusement elle ne fut pas exempte au cours de son existence. »

C’est pourquoi cette devise reprise sous l’appellation d’Acclamation maçonnique en d’autres Rites s’articule souvent, autour non pas de la devise dont s’est emparé la République (Française), mais du ternaire ‘’Liberté, égalité, fraternité’’, brandi par certaines Obédiences, et précisément par les plus importantes. Etrange paradoxe mais sans surprise, puisque ce sont elles qui revendiquent l’égalité et la Fraternité, alors que se considérant les seules régulières et authentiques. Elles sont en pleine démonstration d’une discrimination des Formations initiatiques, parmi lesquelles elles ne se reconnaissent pas, autant que certaines d’entre elles rejettent la validité de l’Initiation des Maçons des Loges non placées sous leur tutelle même s’ils travaillent avec les mêmes Rituels. Toutefois, nous devons bien admettre que l’égalité entre tous les hommes n’a pas toujours été de mise dans le périmètre et le paysage maçonniques, puisque les Loges d’antan opéraient une distinction entre les hommes issus soit de la noblesse, soit de la bourgeoisie.

En guise de conclusion, nous reprenons le propos cette fois de Jean-Pierre Bayard (son ouvrage « Symbolisme maçonnique traditionnel »)

« Notons qu’à tort on a souvent écrit que Louis-Claude de Saint-Martin était l’auteur de cette formule du ternaire sacré. Il n’en est rien : Saint-Martin n’a jamais employé cette acclamation et les ateliers martinistes n’en ont pas conservé la trace. Ce n’est donc pas la Franc-Maçonnerie qui a inventé ce ternaire, mais la République de 1792. La Franc-Maçonnerie, respectueuse du pouvoir établi, a repris cette acclamation ‘’Liberté, Egalité, Fraternité’’ qui figurait comme une devise sur les papiers du nouvel Etat. Nous retiendrons la remarquable étude de Robert Amadou (un proche de Robert Ambelain) parue sous le titre ‘’Liberté, Egalité, Fraternité’’ dans Renaissance Traditionnelle à partir des numéros 17-18 de janvier 1974. »

Au ​propos de Jean-Pierre Bayard, nous ajouterons que les Rituels du Rite Ecossais Primitif rejettent le triptyque purement français et républicain   »Liberté, Egalité, Fraternité » qui se trouve sans connotation écossaise pas plus qu’initiatique, sinon curieusement innopportun dans un mélange des genres, et pire quand celui-ci est concomitant à l’Acclamation écossaise, dès lors parfaitement abusif, pour lui préférer une devise proche de la Chaine fraternelle :  »Vie Lumière Amour  » admissible par la Fraternité en général, et celle écossaise en particulier.

J’ai dit.

Travail déposé sur le site du REP en novembre 2014