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Les émigrés jacobites

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Histoire de la Franc-Maçonnerie française

La Maçonnerie : Ecole de l’Egalité 1725 – 1799

 AuteurPierre Chevallier
 Edition…..Editions Fayard – 3e trimestre 1974
 Extraits…..Naissance de la Franc-Maçonnerie spéculative
les emigres1

C’est le 24 juin 1717, fête de la Saint Jean d’été, que quatre Loges de Londres se constituèrent en Grande Loge et élirent pour Grand Maître Anthony Sayer. Le 24 juin 1718, il eut pour successeur George Payne et celui-ci ordonna de réunir tous les écrits et documents existants sur l’Ordre. En 1719, Desaguliers le remplaça. Payne se retrouva chef de l’Ordre en 1720, tandis qu’en 1721 un noble lord, le duc de Montagu, honorait de son prestige la nouvelle société…

Les émigrés jacobites habitués en France (page 4)

Les origines de celle-ci baignent dans une obscurité profonde et peu d’espoir existe de la voir un jour se dissiper. Faut-il ajouter foi à ceux qui font remonter les premières loges françaises à la venue sur notre sol des Stuarts exilés après 1649 et 1688 ? Dans la suite des princes exilés se trouvaient, en effet, des régiments qui leur étaient restés fidèles. En 1661, Charles II, à la veille de retrouver sa couronne, avait formé à Saint-Germain-en-Laye un régiment, le ‘‘Royal Irlandais’’. Après la défaite des Stuarts en Irlande en 1689, ce corps revint en France et tint garnison à Saint-Germain où résidait le roi Stuart détrôné, Jacques II. C’est à l’Orient de ce régiment qu’aurait existé la Loge de la Parfaite Egalité. Le 13 mars 1777, le Grand Orient de France admettait, mais cela ne fait pas preuve, que sa constitution primitive datait du 25 mars 1688 et qu’elle avait été renouvelée le 9 octobre 1772 par la Grande Loge de France. De son côté, le régiment de Dillon aurait donné naissance à la Loge de la Bonne Foi à l’Orient de Saint-Germain. On se retrouve donc en présence d’une tradition qui, certes, n’est pas appuyée sur des documents authentiques, mais qui est au moins corroborée par la note mise au bas d’une lettre par Bertin du Rocheret, président à l’élection d’Epernay, en 1737, et par laquelle il désigne ainsi la Fraternité : ‘‘Société ancienne d’Angleterre… introduite en France à la suite du roy Jacques II en 1689.’’ L’origine jacobite (du nom des partisans des Stuarts détrônés Jacques II, puis Jacques III) de l’Ordre n’est pas facile à écarter et elle est renforcée par la mention de l’existence dès 1725-1726 à Paris d’une Loge de Saint-Thomas dont les fondateurs, au dire de l’astronome Lalande, auteur d’un Mémoire historique sur la Maçonnerie dans l’Encyclopédie, furent lord Derwentwater, le chevalier MacLeane et M. d’Héguerty qui tenaient Loge rue des Boucheries, au faubourg Saint-Germain, chez un traiteur anglais nommé Huré. Est-ce bien le 12 juin 1726 que Charles Radclyffe, devenu en 1731 lord Derwentwater, fonda cet atelier sous le titre de Saint-Thomas, choisi évidemment en raison de l’exil en France de saint Thomas Beckett, archevêque de Cantorbéry ? Il est impossible de l’affirmer de façon positive. L’historien royaliste G. Bord donne la liste des membres de cette première loge établie à Paris. Tous les noms sont britanniques, sauf cinq de consonance française. Ce qui est sûr, si on admet la véracité de la liste de G. Bord, qui ne cite jamais ses sources, c’est que tous les noms donnés par lui ne peuvent appartenir qu’au milieu jacobite et se retrouvent presque tous dans les noms des officiers des régiments irlandais et écossais au service du roi de France. Dans quel esprit et selon quel rite travaillait ce premier atelier maçonnique créé au faubourg Saint-Germain ? Fondé par des exilés pour cause de fidélité à la légitimité monarchique, appartenant en majorité (les Irlandais) au catholicisme, il serait surprenant d’admettre que la Loge de Saint-Thomas ait travaillé dans l’esprit des Constitutions d’Anderson, inspiré par Desaguliers. Qui sont, du reste, les fondateurs de la Loge de Saint-Thomas ?

Lord Derwentwater est le petit-fils naturel de Charles II Stuart et son frère aîné Jacques avait été décapité en 1716 pour avoir pris part à la révolte des Ecossais contre le roi hanovrien et protestant George Ier. Evadé d’Angleterre à la fin de 1716, Charles Radclyffe mène une existence d’exilé, mais sa fidélité à la dynastie des Stuarts et à l’Eglise catholique sera constante jusqu’à sa mort sur l’échafaud de la Tour de Londres, en décembre 1746. Le baronet Jacques-Hector Mac Leane, lui, est un écossais chef de clan, né en exil à Calais et il mourra en exil à Rome, dernier refuge de la dynastie jacobite. Malgré quelques vicissitudes, dues à une situation misérable, il sera, lui aussi, fidèle jusqu’à la mort. Le troisième, Dominique d’Héguerty, devenu comte de Magnières, en Lorraine, par la grâce du roi Stanislas, n’est point soldat comme l’Anglais et l’Ecossais. C’est un brasseur d’affaires, ou comme on disait alors un manieur d’argent. Dans le milieu jacobite, il laisse à d’autres les périls et préfère fournir les plans et aussi les armes, ainsi que le prouvent les archives du Quai d’Orsay. La Maçonnerie a donc été, pour les exilés britanniques pour cause politique ou religieuse, ou les deux à la fois, un groupement de réunion, de soutien et de correspondance, tout à fait analogue aux Loges des réfugiés polonais en France sous Louis-Philippe, à celle des Russes blancs émigrés après 1917, ou encore à celles des Maçons italiens et espagnols réduits à l’exil par les régimes dictatoriaux de leur pays.

Les premiers Grands Maîtres jacobites (page 6)

Mais une question se pose : les premières loges travaillant en France ont-elles reconnu un Grand Maître comme chef suprême, ou se sont-elles comportées en Loges sauvages livrées à elles-mêmes et ne reconnaissant au-dessus d’elles aucune hiérarchie ? Par bonheur, le plus ancien document conservé à la Maçonnerie française, Les Devoirs enjoints aux Maçons libres de 1735, apporte sur cette question des lumières non douteuses. Dans ce texte conservé au fonds manuscrit de la Nationale, il est dit que Philippe duc de Wharton, ancien Grand Maître de la Grande Loge de Londres et passé du parti des rois George à celui des rois Stuarts, converti au catholicisme, a été le premier Grand Maître de l’Ordre en France. Wharton a, du reste, séjourné en France, en 1728, où sa femme vivait à Saint-Germain. On le trouve à Rouen, Orléans et Nantes, d’où il s’embarque pour l’Espagne où il mourut à Poblet, en Catalogne en 1731, achevant ainsi une carrière courte, très excentrique et très britannique. Le même document atteste que les successeurs du duc de Wharton ont été le baronet Jacques-Hector Mac Leane qui quitte la Grande-Bretagne en 1736 pour la laisser à lord Derwentwater et un gazetin du temps daté du 4 janvier 1737, conservé dans la collection Bertin du Rocheret à Epernay, nous a transmis la relation de l’élection de Charles Radclyffe comme Grand Maître à la Saint Jean d’hiver 1736. Il est possible, du reste, qu’après la mort de Wharton, la Grande Maîtrise soit revenue à Derwentwater, puis de 1735 à 1736 à Mac Leane, qui l’exerçait bien en 1735, avant de passer le Souverain Maillet au petit-fils de Charles II en décembre 1736. Ces Grands Maîtres, on s’en doute, ne pouvaient régner que sur un petit nombre d’ateliers, et l’histoire des premières Loges françaises, presque toutes parisiennes, est d’autant plus difficile à relater avec certitude que l’Ordre n’est sorti d’une pénombre presque clandestine qu’en 1737 seulement.

Les premières Loges parisiennes (page 7)

Si la première Loge établie à Paris a bien été celle de Saint-Thomas et si l’on peut penser que son Vénérable fût le Grand Maître Derwentwater, il n’en est pas moins vrai que l’existence d’un atelier animé par des jacobites, et dirigé par eux dans un esprit qui ne pouvait pas être favorable au régime officiel anglais, n’a pas pu ne pas attirer l’attention du gouvernement de Londres et aussi de la Maçonnerie créée par Anderson et Desaguliers. C’est ainsi qu’à côté (sinon à l’opposé) de la Loge Saint-Thomas, se crée, à partir de 1729, une nouvelle Loge Saint-Thomas au Louis d’Argent, qui se tenait aussi chez le traiteur Huré, à l’enseigne du Louis d’Argent, rue des Boucheries, ce qui obligea peut-être la Loge-mère Saint-Thomas à transporter ses tenues dans un autre local. C’est cette deuxième Loge dite du Louis d’Argent que la Grande Loge de Londres constitue de façon officielle le 3 avril 1732, et son installation eut lieu chez le traiteur Nicolas-Alexis Landelle à l’hôtel de Bussy, au n° 4 de la rue de Buci actuelle. […]

A ces Loges, il faut joindre les autres ateliers fondés par la Grande Loge de Londres. Sans insister sur une Loge créée à Dunkerque en 1721, dont la réalité historique n’est pas prouvée, il faut rappeler qu’en 1732 se fondait à Bordeaux la Loge anglaise, immatriculée n° 204 sur les registres de la Grande Loge de Londres, qui constituait encore en 1733 la Parfaite Union à Valenciennes. Mais l’atelier le plus intéressant, et qui mériterait qu’on recherchât les traces de son activité dans les archives des Richmond en Angleterre, c’est la Loge tantôt berrichonne (au château d’Aubigny-sur-Nère), tantôt parisienne (sans doute dans l’hôtel de Kéroualle rue de Varenne), animée par le duc de Richmond, de Lennox et d’Aubigny, bâtard de Charles II. Cousin de lord Derwentwater, le noble lord descendait de la célèbre Louise de Kéroualle, duchesse de Portsmouth, devenue maîtresse de Charles II pour servir les intérêts de Louis XIV. C’est ainsi que ducs de Richmond en Angleterre, les Lennox étaient devenus en France ducs d’Aubigny-sur-Nère dans le Berry. C’est après le décès de son aïeule en 1734 que le duc de Richmond qui, tout comme le duc de Wharton avait été Grand Maître de la Grande Loge londonienne en 1724, fut installé de façon officielle par lord Weymouth, Grand Maître venu de Londres à cet effet, comme Vénérable de la Loge d’Aubigny le 12 août 1735. […] C’est au cours de cette tenue que fût reçu membre de la Fraternité le très honorable comte de Saint-Florentin, secrétaire d’Etat de Sa Majesté Très Chrétienne, et plusieurs autres Britanniques qui appartenaient soit au milieu jacobite, soit aux partisans des rois George. Ces brèves mais importantes relations de presse sont les seules données sur l’existence et l’activité de la Loge d’Aubigny.

A la fois français et anglais, ayant eu un pied dans le camp des jacobites, mais rallié au régime des rois George, le duc de Richmond a servi de lien entre les deux camps de l’opinion britannique, et sa Loge a été comme celle de Coustos-Villeroy un terrain de rencontre entre les deux partis opposés. Mais avant d’arriver à l’épisode de la révélation de la Maçonnerie à l’opinion publique au début de 1737, il n’est pas inutile de revenir sur la composition des premières Loges françaises et sur l’esprit qui les a animées.

C’est grâce aux documents saisis par la police à l’été de 1737 que l’on peut avoir quelques indications sur les premières loges parisiennes. Si rien ne semble avoir subsisté des documents qu’a dû faire naître l’activité de la Loge Saint-Thomas, des renseignements partiels existent encore sur les Loge du Louis d’Argent, de Bussi-Aumont, et de la Loge Coustos-Villeroy subsiste le registre commencé en décembre 1736 et interrompu à la date du 17 juillet 1737, peu avant sa saisie par la police royale. […] Jusqu’alors, toutefois, la Maçonnerie n’avait guère fait parler d’elle. Le public français ignorait, en somme, son existence. C’est au début de l’année 1737 que les Parisiens et le reste du royaume apprirent l’existence de cette société mystérieuse, qui souleva aussitôt une intense curiosité. C’est à la fin de l’hiver de 1736-1737 que l’on trouve trace des faits et gestes des Maçons dans les rapports de police et les nouvelles à la main, appelées aussi gazetins ; les mémorialistes en font autant, le duc de Luynes et l’avocat Barbier relatent l’existence de la société dont l’origine anglaise ne fait, pour eux, aucun doute. […] En effet, un gazetin de police apprend à la date du 29 mars (1737) que le lieutenant de police René Hérault ‘‘…avait envoyé chercher tous les traiteurs et défenses à eux de donner à manger pour tenir assemblée, point de volets fermés, tenir tout ouvert chez eux. Ainsi c’est à eux à y prendre garde. On a bien dit que cela n’aura pas lieu…’’ C’est au même moment que le secrétaire de la Loge Coustos-Villeroy écrivait sur son registre que le maître Coustos avait reçu du Grand Maître Derwentwater une lettre pour lui proposer de remettre l’assemblée de la Grande Loge, car ‘‘… les Maçons libres sont menacés de n’avoir plus la liberté de s’assembler’’. Une démarche du Grand Orateur de l’Ordre, Michel-André de Ramsay, que celui-ci venait de faire auprès du Premier ministre, le cardinal de Fleury, est sans doute à l’origine de la menace que l’on vient de relater, mais cette démarche eut pour effet de démentir les espérances que son auteur avait mises en elle.

Ramsay et le cardinal de Fleury (page 16)

On vient de rencontrer pour la première fois le nom de Ramsay. Sa carrière et son œuvre sont d’une importance essentielle dans l’histoire de la Maçonnerie française, et même universelle. Originaire de l’Ecosse où il naquit en 1686, Ramsay après avoir étudié en Angleterre et commencé dans ce pays une carrière de précepteur, se retrouva-t-il, lors de la guerre de Succession d’Espagne, dans les troupes anglaises. Le fait n’est pas certain. Lui-même, dans les Anecdotes qu’il a laissées sur sa vie, nous apprend qu’au mois d’août 1709 il était auprès de Fénelon. L’archevêque de Cambrai jouissait alors en Angleterre d’une réelle popularité qu’explique la disgrâce où Louis XIV l’avait précipité depuis la publication du Télémaque et l’affaire du quiétisme. Mais avant de devenir le disciple de Fénelon, Ramsay était allé en Hollande voir le pasteur Poiret, animateur d’une communauté piétiste qui professait la tolérance et l’indifférence aux dogmes comme aux cérémonies. Dans quelles conditions, une fois fixé auprès de Fénelon, Ramsay fut-il converti par lui au catholicisme ? Il faut, là-dessus, accepter ce que le converti en dit dans son Histoire de la vie de Fénelon. […] En 1727, il publie les Voyages de Cyrus, ouvrage qui suscita des polémiques, la Sorbonne faillit lui trouver un parfum d’hérésie et il fut attaqué. […] En mars 1729, il devenait membre de la Gentleman’s Society, en décembre il fut élu membre de l’Académie royale des sciences, et en 1730 il devenait docteur honoris causa d’Oxford. Deux jeunes maîtres ès arts de l’Université protestèrent que Ramsay était catholique et jacobite ; mais le docteur King leur ferma la bouche en répliquant que Ramsay était le disciple du grand Fénelon. Le régime des rois George a-t-il voulu gagner Ramsay – qui faisait figure de chef intellectuel du parti jacobite – à sa cause ? C’est possible, mais il n’en fut rien. […] Ramsay fut reçu Franc-Maçon à la Loge Horn en mars 1730… Maçon de style jacobite, est-il interdit de penser qu’il a voulu connaître la Maçonnerie nouvelle créée par Anderson et Desaguliers ? Cette seconde initiation n’a rien d’impossible puisque Coustos, déjà Maître de Loge, fut obligé de contracter une nouvelle obligation le 30 avril 1737 ; Maçon des deux rites ou, si l’on préfère, des deux obédiences, Ramsay allait chercher à réaliser le rêve qui fut le sien et qui a été le moteur de son action : la fraternité et la religion universelle. De retour en France, Ramsay reprend du service chez les grands ; il passe du jeune duc de Château-Thierry au prince de Turenne, ce qui explique la parution de l’Histoire de M. de Turenne en 1735. C’est cette même année qu’il épouse Mlle de Naine. C’est à cette occasion, à l’été de 1735, que paraît contre lui une diatribe en vers qu’on a attribuée à tort à Voltaire, La Ramsaÿde. Jusqu’à présent, en dehors de son initiation à la Loge Horn en 1730, Ramsay paraît n’avoir eu aucune activité maçonnique notable. Mais d’un seul coup, tout va changer, et de décembre 1736 à mars 1737 Ramsay va jouer un rôle bref mais capital dans l’histoire de l’Ordre, à tel point que l’on n’a pas fini de discuter encore aujourd’hui sur ce qu’il a fait ou voulu faire. Il est d’abord l’auteur d’un célèbre Discours sur les buts et l’utilité de l’Ordre et il est devenu classique de dire le Discours de Ramsay. […]

Le grand projet de Ramsay, faire de l’Ordre une institution patronnée par le pouvoir royal, à son service et à celui de l’Eglise contre l’incrédulité menaçante, échouait devant l’incompréhension et l’étroite orthodoxie du vieux précepteur de Louis XV. C’est la première fois que l’Ordre offre de se mettre au service du pouvoir. C’est une telle nouveauté qu’une association non légalement reconnue soit animée d’un tel esprit, que les responsables de la monarchie repoussent une offre si inhabituelle et si suspecte. L’activité maçonnique de Ramsay fut stoppée par l’interdiction de Fleury, d’une manière qui fut définitive. Cette prise de position du Premier ministre était d’autant plus importante que Ramsay avait conçu le projet d’initier le roi Louis XV, et il convient de rappeler que, suivant Jean Coustos, l’initiation du duc de Villeroy avait eu lieu sur l’ordre du roi lui-même. […] Ce qu’il importe de connaître… c’est la substance et l’esprit du célèbre Discours dans sa version primitive, celle d’Epernay, et dans sa version classique, celle qui fut imprimée avec certaines variantes à partir de 1738. […]

Mieux encore, l’intérêt du texte de 1738, c’est qu’il contient le passage si souvent cité sur le projet de Dictionnaire universel des arts libéraux et des sciences utiles, qui évoque, bien sûr, l’Encyclopédie… On peut, tout au plus, admettre que la partie du Discours consacrée aux croisades a servi de point de départ aux frères créateurs des grades écossais, et dont on peut penser qu’ils faisaient partie des régiments écossais et irlandais au service du roi… Il retrace la légende  et l’histoire de l’Ordre.

La phrase à retenir est celle-ci : ‘‘… Jean, lord Stuart ou Grand Maître de la Maison du Roy d’Ecosse amena notre science de la Terre Sainte en 1286 et établit une Loge à Kilwin (Kilwinning) en Ecosse… Depuis ce temps l’antique royaume, et l’intime allié de la France, a été le dépositaire de nos secrets, le centre de l’Ordre, et le conservateur de nos loix…’’. Cette référence à l’Ecosse peut expliquer pourquoi les Maçons, sans doute jacobites, ont placé sous le patronage écossais les Hauts-Grades dont le premier, celui de Maître Ecossais, fit son apparition vers 1740. Mais il y a mieux, Ramsay affirme que, d’Ecosse, l’Ordre passa en Angleterre sous le règne d’Edouard Ier, puisqu’au XVIe siècle l’usurpatrice Elisabeth regarda les Loges comme des nids de catholicisme qu’il fallait étouffer, Loges que les protestants altérèrent et dont ils profanèrent les assemblées. Ici, dans une phrase capitale, Ramsay nous livre le fond de sa pensée : ‘‘Mylord, comte de Derwentwater martyr de la royauté et de la catholicité, voulut ramener icy tout à son origine et restituer tout sur son ancien pied. Les ambassadeurs de Hollande et de George, duc de Hanovre, en prirent ombrage et blasphémant contre ce qu’ils ignorent, s’imaginant que les freemasons catholiques, royalistes et jacobites ressemblaient aux freemasons hérétiques, apostats et républicains, ils nous blâmèrent d’abord…’’ […]  Que conclure maintenant sur l’attitude du pouvoir royal et de ses agents ? En présence d’une société illégale dans son principe et ses manifestations, l’autorité monarchique adopte une attitude ambiguë. Elle maintient, c’est la doctrine officielle, la condamnation de principe, mais elle refuse d’aller plus loin. Fleury a déjà assez des jansénistes sans se mettre les Francs-Maçons sur les bras. Comme de plus, toute l’aristocratie, tous les privilégiés se précipitaient dans les loges, comment interdire une société dont ducs et pairs, ministres, hauts magistrats et familiers du roi font partie ? Le Premier ministre et son instrument se contentent d’une répression indirecte, de tracasseries et ils utilisent de petits moyens : l’interdiction aux traiteurs de recevoir les frères, et le ridicule en divulguant dans le public le fameux secret et le mystère qui entouraient réception et cérémonies. Les deux procédés seront sans effet et n’empêcheront pas l’ordre de se développer et de prospérer de façon remarquable jusqu’à la révolution de 1789. […] Les Français du XVIIIe siècle n’avaient accueilli la nouveauté importée d’Outre-Manche, qu’elle leur fût présentée et vantée par les Maçons de tendance jacobite ou par ceux d’obédience gouvernementale anglaise, que parce qu’elle leur paraissait correspondre à un besoin qui n’était pas satisfait. Quelles furent, devant le succès de l’institution nouvelle qu’ils avaient acclimatée en France, la réaction comme l’attitude des jacobites émigrés ? On peut à peine la discerner. Mais s’ils avaient fondé sur la solidarité maçonnique des espoirs excessifs, ils furent déçus de façon cruelle. Le destin final des ‘‘mousquetaires’’ de l’Ordre maçonnique, Derwentwater, Mac Leane et d’Héguerty n’a plus rien de commun avec celui de l’institution qu’ils ont enracinée dans la société française, et c’est par la tragédie ou l’effacement volontaire que se termine le rôle épique qui fut le leur aux enfances de la Maçonnerie française.

La fin des espérances jacobites (page 71)

[…] Derwentwater est vraiment mort en chevalier chrétien, en témoin de la légitimité monarchique et de la foi catholique, et l’on comprend que, sous la IIIe République, le Grand Orient ait rayé de la liste des Grands Maîtres le noble lord dont la Grande Maîtrise n’était pas alors historiquement établie. Le rôle historique de(s) Derwentwater est, après le supplice de décembre 1746, terminé. Il avait été double, par l’action que Jacques comme C. Radclyffe avaient jouée ou voulu jouer dans les événements de 1715-1716, comme dans ceux de 1745-1746, ainsi que par le rôle moins en relief et plus discret tenu par C. Radclyffe dans la fondation et le développement de la Maçonnerie, d’abord formée d’éléments jacobites en terre française. Les Jacobites, s’ils ont certainement été à l’origine de l’Ordre en France, ont-ils été aussi les créateurs du Rite Ecossais ? C’est là, la question non éclaircie et qui risque de rester encore longtemps obscure. […]

Dans le milieu des émigrés jacobites,… la première place revient A.M. de Ramsay qui résume tout le sens de sa vie, de sa pensée et de son action dans un véritable testament spirituel dont la connaissance s’impose pour pénétrer le sens et l’esprit de la Franc-Maçonnerie : ‘‘religion avortée’’ ou au contraire ‘‘religion universelle’’ ?  […]

(ouvrage passionnant à découvrir et/ou à relire)

1 réponse à “Les émigrés jacobites”

  1. Avatar de Van Hille Jean-Marc
    Van Hille Jean-Marc

    Bonjour,

    A-t-on une idée de ce que furent les activités de Dominique O'Heguerty dans les années 1720, donc avant la création de la première loge parisienne ? Patrick Clarke de Dromantin déclare qu'il y avait un O'Heguerty établi à Dunkerque mais je n'en ai trouvé aucune trace dans les archives municipales, et il ne précise pas à quelle époque..

    Merci et bien cordialement.

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