Accueil » Morceaux de textes choisis » Le Pavé mosaïque dit Carré long

Le Pavé mosaïque dit Carré long

         Morceaux de textes choisis       

morceaux1
Travail

…..Morceau de symbolisme

      appliqué aux Grades symboliques
Thème

     Le Pavé mosaïque, dit Carré long

Auteur …..Un Membre de la Grande Loge Française REP

A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers

Deux expressions pour un même ornement du Temple où se tiennent les Travaux en Loge aux trois grades symboliques. En effet, le Pavé mosaïque dit Carré long au REP est le premier des trois ornements, avec l’Etoile flamboyante et la Houppe dentelée, qui entrent dans la composition des lieux. Dans les temps les plus reculés, il avait pour usage d’orner le seuil du grand portique des Temples, dont le dallage mosaïque était commun à un grand nombre d’édifices religieux. Si les Rituels ont fait adoption du Pavé mosaïque dans les Temples maçonniques, sa structure diffère de celui des Temples de diverses civilisations au carrelage plus ou moins décoré et coloré. Notre Carré long est pavé et non carrelé, formé d’éléments de taille identique et non de céramiques moulées. Il est mosaïque par sa composition dans la juxtaposition d’un assemblage de dalles carrées de deux couleurs, alternativement noire et blanche, pour lui donner une texture la plus épurée, qui rappelle celle d’un damier. Ses proportions s’approchent du rapport harmonique donné par le nombre d’Or (1,618), par référence aux Anciens qui voyaient en lui une entrée dans la Géométrie.

Pourquoi un pavé mosaïque ?  

         Le terme pavé  vient du latin ‘’pavare’’  qui  signifie  battre  la terre pour l’aplanir et niveler le sol. La surface pavée désigne le bloc de pierres cubiques utilisées pour le revêtement des sols depuis l’Antiquité. C’était alors une des rares utilisations de la pierre cubique, puisque les pierres à bâtir sont le plus fréquemment des parallélépipèdes.

Du latin ‘’tessera’’, la tessère servait à la réalisation de la marqueterie et de la mosaïque. Elle avait généré la création d’une tablette carrée nommée ‘’tessère’’ (tablette hospitalière que les hôtes échangeaient entre eux pour se faire reconnaître ensuite, ou pour servir aussi de jeton. Un exemple de tessère est repris ci-avant) sur laquelle était inscrit un mot d’ordre ou un signe de reconnaissance.  Du latin médiéval ‘’musaicum’’, la mosaïque est un mode de décoration d’abord dédié aux endroits où vivaient les muses, lesquelles conféraient l’inspiration artistique en relation avec la pensée créatrice. Dans l’Antiquité, mosaïque signifiait aussi ‘’qui vient de Moïse’’ et a donné la religion mosaïque qui rappelle en allégorie l’union des douze tribus d’Israël. Effectivement, l’origine du terme mosaïque fait référence à Moïse, dont l’un des très hauts faits a été d’unir lesdites Tribus ; Moïse (représenté dans une mosaïque) est celui qui a réussi à rassembler ce qui était divisé et épars. Il a défini la conduite à observer pour que vivent les familles de chaque clan dans la concorde et l’harmonie. Moise est ici représenté dans une mosaïque fort ancienne.

         La mosaïque est une constante dans l’architecture aux origines multiples (grecque, romaine, byzantine, florentine,…) par la manipulation d’innombrables fragments de pierre, disposés de façon à obtenir soit des motifs, soit des scènes ou des tableaux de la vie, à partir de contrastes sombres et clairs. Dans les effets de pénombre et de clarté, le pavé est en rapport avec les trois Fenêtres tracées sur le Tapis de Loge, dont le grillage consiste à filtrer et polariser toute source lumineuse entre ombre et lumière. La technique du pavement mosaïque peut donc être mise en corrélation avec les actes de l’œuvre commune de l’édification, sous l’emprise de la solidarité des Membres de la Loge, qui forment la Chaine fraternelle. L’idée à retenir, par les Initiés, serait que le pavé mosaïque montrait la loi gouvernant l’ordonnancement des Hommes dans la Cité et qu’elle est aujourd’hui étendue à la Fraternité ; cette loi divine, mystérieuse par essence, est restée accessible aux êtres nantis de la Connaissance.

Sa composition et son symbole

Le Carré long, dans sa symbolique, a vocation à rassembler ce qui est épars et montre la voie à suivre pour dépasser les oppositions.De nos jours et dans nos Temples maçonniques, il est constitué de deux carrés identiques qui donnent un rectangle, d’où l’appellation de Carré long, pour définir ainsi un axe d’orientation. C’est une des raisons pour lesquelles nous disons que la Loge a la forme d’un Carré long, dont les dimensions vont de l’Orient à l’Occident (sa longueur), du Midi au Septentrion (sa largeur), et du Zénith au Nadir (sa hauteur). Aussi, notre Carré long a la particularité d’être universel, étant en usage dans un bon nombre de Loges de saint Jean.

         Outre sa qualité d’ornement confirmée par sa position centrale dans le Temple, entouré des trois Piliers d’Ordre et selon notre Instruction dialoguée (telle que confirmée par Plantagenet), il est ‘’l’emblème de l’union intime qui règne entre les Maçons’’.  Au-delà de sa place éminente dans le Temple, il s’inscrit, durant les Cérémonies aux trois Grades symboliques, dans un espace circonscrit tel un circuit incontournable, voire imposé, autour duquel tous les actes rituels se succèdent de l’ouverture des Travaux, comprenant l’allumage des Lumières d’Ordre et le Tapis de Loge déroulé, jusqu’à la Chaîne fraternelle et l’extinction de ces mêmes Lumières. Non seulement infranchissable, il est respecté par tous, puisqu’aucun d’entre eux ne peut marcher sur le Carré long. En effet, le Maître des Cérémonies comme d’autres Officiers et les participants aux Travaux contournent le Carré long, sans marquer les angles (au REP), lors de déplacements réglés et ordonnés, qu’ils soient lents, précipités ou momentanément interrompus pour certains actes rituels, tous doivent observer le sens dextrogyre. Si bien que le Carré long est l’axe créateur du rythme et de l’harmonie des actes rituels.

            Comme nous le savons, le Carré long, espace borné par les trois Colonnettes, incarne le centre primordial, l’épicentre, tel l’emplacement privilégié de l’univers, ou encore point divin qui invite à son respect. Le Carré long, qui se présente sous l’aspect d’un pavement mosaïque, incarne donc un symbole fondamental de la Loge. Rappelons ce qu’est un symbole. Le symbole est le support d’une métaphore qui permet à la raison d’exprimer un sens ou une vision sur certaines questions. Pour le comprendre, il faut rester simple, intuitif, il faut être Amour et avoir foi. Il est le lien entre le visible et l’invisible. Il suscite la pensée, éveille l’esprit. Les symboles ont une force intérieure qui prend possession de ceux qui souhaitent se les approprier.

         De la qualité du travail de nivellement du sol dépend la stabilité de la construction, qui permet de parfaitement jointer les différentes pierres taillées composant le dallage pour obtenir un aspect mosaïque. Si le sol est à bâtir au même titre que les murs d’enceinte, le pavement représente l’action d’orner, le tout dans une démarche d’édification propre à l’Initiation, depuis sa conception jusqu’à son achèvement.

Sa structure géométrique parfaite porte en elle l’essentiel de la symbolique maçonnique :

  • Le trait droit est la Règle qui permet l’alignement des pierres formant l’enclos. C’est le symbole de la rectitude dans la ligne de conduite maçonnique. N’oublions pas à quoi nous devons nous attacher, savoir élever des Temples à la Vertu et creuser des cachots pour le vice.
  • L’angle droit, c’est l’Equerre qui permet la taille en vue d’une cohésion parfaite du monument. C’est le symbole de la pensée droite, sans détour, véritable signe de reconnaissance du Franc-Maçon.
  • L‘horizontale est la surface aplanie où sera placé le pavé. Le Niveau marque la frontière entre le Zénith et le Nadir, c’est le niveau du présent, le niveau de l’Homme Cherchant.
  • La Perpendiculaire n’apparaît pas, mais les trois Piliers disposés aux angles du Carré long en sont la représentation.
  • Les intervalles réguliers et uniformes des divisions se retrouvent sur la Règle. Ils symbolisent la mesure, l’alternance du temps et des heures de Midi à Minuit.

Dès lors, il devient impossible, comme il est dit en début de ce Travail, de fouler du pied un tel espace qui est à la fois l’Univers et la perfection de son Créateur de toutes choses, encadré des trois Piliers Sagesse, Beauté et Force.  Cette composition du Carré long en un assemblage de pavés noirs et blancs, aussi contrastés que peuvent l’être les Hommes, s’étend sans frontière dans les quatre directions précitées pour unir l’humanité par-delà les couleurs de peau, les pays et les nations, les religions et les idéologies. Il reste cependant deux dimensions que seul l’esprit du Maçon peut percevoir :

  • Le Nadir qui l’unit à l’univers et au Grand Architecte. La terre n’est-elle pas faite de poussière, celle-là même d’où il sort pour entrer dans la Lumière et vers laquelle il retournera ?
  • Le Zénith qui unit les Frères à l’Univers et à son Grand Architecte.

La dualité blanc / noir ne se pose pas en perspective d’une opposition mais d’un compromis harmonieux des contraires. Tout se concilie dans un équilibre qui dépasse toutes ambivalences, lesquelles peuvent être résiduelles entre le Bien (traduit par la spiritualité) et le Mal (à rapprocher de la matière), inhérents à l’existence terrestre, durant laquelle Ténèbres et Lumière sont respectivement à associer au pavage noir et blanc. Mais toute action appelle une réflexion qui rétablit l’équilibre après le trouble des émotions et de l’esprit, sans lutte pour la victoire ou contre la défaite malgré toute confrontation au sein de la Chaîne fraternelle. Il est trop facile de voir dans le noir et le blanc une approche de dualité, vision d’un moralisme très simpliste. Cette dualité serait impossible dans l’utilisation de fragments rouges et blancs ou noirs et rouges, car la plus ancienne mosaïque retrouvée est tricolore. Il est intéressant de remarquer que les trois couleurs concernées, le noir, le rouge et le blanc renvoient au grand œuvre alchimique. Le noir est aussi la couleur de la matière première, le minéral brut de couleur foncée. Le blanc et le rouge sont quant à elles les couleurs de l’art transmutatoire, dit ‘’élixir des philosophes’’ ?  Le noir est la force de l’âge, c’est la couleur de la matière première dans toute sa satiété, mais promise à mourir pour renaitre dans la plénitude de l’Initiation. Le blanc est la couleur de la vieillesse, c’est également celui du petit magistère alchimique, phase antérieure à l’œuvre au rouge permettant d’atteindre l’éternelle jeunesse.

         Le noir et le blanc sont à comprendre tels les deux pôles de l’énergie créatrice. Si le noir est absence de couleur, absorption de la lumière, trou noir, anti matière, lumière non manifestée en puissance ; le blanc évoque la lumière manifestée. Le blanc est reflet de toutes les couleurs, et ne s‘oppose pas à la matière opaque puisqu’elle a besoin du blanc pour être rendue perceptible. Sans objet, sans matière, nous ne percevons pas la lumière. Le pavage blanc/noir évoque le passage du potentiel (le noir contient toute les couleurs) à la réalisation (le blanc les renvoie toutes).

         Parallèlement, le noir représente l’obscurité et aussi l’anarchie, le désordre, le deuil, la guerre. Pendant que le blanc est couleur autant que Lumière d’où jaillissent la Vie, le Bien, le bon côté de l’âme, la paix, la joie ; ces deux couleurs formant toutes les autres. Elles ont ceci de remarquable qu’elles n’existent pas par elles-mêmes, mais parce que tous les autres coloris en découlent. La première, le noir est un mélange de toutes les couleurs, tandis que le blanc se décompose en toutes les couleurs. En cela, le Carré long est la conciliation des contraires élargis aux oppositions. Il nous invite à l’humilité et à l’introspection. Noir et blanc sont au même niveau, sans supériorité de l’un sur l’autre, parce que l’un et l’autre nous sont donnés et nous devons les recevoir de la même manière. Comme nous recevons, sans supériorité d’ancienneté les Profanes pour les intégrer harmonieusement dans la Chaîne fraternelle.

         Enfin, il ne peut y avoir de pavage mosaïque parfait sans joint constitué d’un ciment, qui maintient les pavés noirs et blancs reliés entre eux, tel un réseau symétrique, même si ce lien non perceptible se fond dans un chemin rectiligne adoptant la couleur des pavés, noir d’un côté, blanc de l’autre. En effet, dans de nombreuses constructions, les anciens Bâtisseurs ont déployé des méthodes ingénieuses pour dissimuler et rendre invisibles les joints dans toute construction. Sans doute pour que les observateurs ne s’attardent que sur l’essentiel, ou alors pour une question purement esthétique. Il était autrefois inconcevable de laisser apparaître les joints de construction, ainsi que l’aspect brut de la pierre, si bien que le joint est le siège de nombreuses difficultés techniques. Il fallait donc savoir excellemment tracer, mesurer et tailler la pierre pour parvenir à un pavage mosaïque où les joints seraient imperceptibles.

A cet égard, il y a lieu de considérer le ciment tel le lien qui unit la Fraternité pour en faire une grande famille. Ne dit-on pas en certains Rites ‘’Quel est le lien qui nous unit ?’’, dont la réponse est ‘’la Franc-Maçonnerie’’. 

         Le ciment est certainement l’un des ancrages énergétiques de l’Initiation à la charnière entre les mondes profane et maçonnique, là où la conciliation des contraires est rendue possible, le lieu où les Initiés apprennent à faire le joint ; c’est à dire à vivre un devoir de Fraternité consistant à se créer les uns par les autres, non pour soi-même, mais pour servir l’autre et ceux de la Loge. Faire le joint, c’est apprendre à réunir ce qui est épars et apparemment opposé, pour que le Travail soit le trait d’union entre les Membres de la Loge attachés à la Vérité, la Justice et l’Harmonie.

         Du Carré long rejaillit la Fraternité. Etre Franc-Maçon, c’est regarder ses Frères et Sœurs comme ils sont et non comme nous voudrions qu’ils soient. C’est accepter leur carré noir, mais c’est aussi s’émerveiller de leur lumière blanche. En acceptant les êtres tels qu’ils sont, sans ne garder que le blanc et mépriser le noir, nous mettons à l’épreuve la patience et l’amour bienveillant avec volonté pour une entente réciproque et prometteuse du meilleur. Edouard Plantagenet, ancien Vénérable de la Loge Goethe, aimait à dire que le Pavé mosaïque est là pour nous rappeler que tous les Maçons répandus sur la surface du Globe ne forment entre eux qu’une famille de Frères.

         Sachons respecter le symbolisme de l’union des Membres de la Loge. C’est bien autour du Carré long où nous nous plaçons à la fin de nos Travaux, que nous vivons ce moment précieux et généreux de la Chaîne fraternelle, dans le silence et la méditation, et durant lequel naissent des liens intenses.

(Travail inséré dans le site en avril 2021)

0 réponse à “Le Pavé mosaïque dit Carré long”

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *