La Tolérance

         Morceaux de textes choisis        

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Travail …..Regard sur une Vertu
Thème

LA  TOLERANCE

Auteur …..Un Membre de la Grande Loge Française REP    

A la Gloire du Grand Architecte de l’Unive

            La Tolérance est une notion insaisissable, que maints philosophes ont abordée reconnaissant une certaine difficulté à lui octroyer une véritable valeur humaine, au risque de glisser sur de multiples contra-dictions. Le terme tolérance vient du verbe latin ‘’tolerare’’ qui veut dire supporter, endurer, ou plus exactement supporter sans réagir et souffrir sans exclure. Cette simple définition semble détruire une acception sémantique généralement comprise et admise. Chercher son véritable sens passe par une introspection, qui conduirait hélas à négliger une appréciation négative de sa portée, ou mieux à la considérer.

Selon son étymologie réelle et bien reconnue, la Tolérance garde son sens le plus étroit, à partir duquel il est à observer l’abandon de toute réaction d’une personne qui supporte sans protestation une atteinte punitive, au cours de laquelle il lui est imposé une nuisance occasionnelle ou récurrente à ses droits stricts, et cela sans chercher à la réprimer.  C’est aussi une disposition de l’esprit ou une règle de conduite consistant à laisser à chacun la liberté d’exprimer ses opinions et convictions, alors même que l’interlocuteur ne les partage pas. Côté espace public et non sphère privée, la Tolérance peut être signe de passivité condamnable ou excès de laxisme envers les actes classés illicites. De ce constat, la Tolérance ne serait plus qu’un rejeton de la peur, du refus de réplique, du recul, ou du dédain. Elle n’est plus qu’un simple consensus silencieux, au mieux une concession sans commentaire de la part de celui qui détient le pouvoir de tolérer. Après cette définition lapidaire, sommaire et aride, la Tolérance se trouve dépouillée pour révéler in fine son identité et les composantes d’une réalité conceptuelle.

L’intolérance la plus ignoble retenue par l’Histoire de l’Humanité reste l’inquisition des consciences en matière religieuse. Elle continue encore à notre époque son œuvre dévastatrice soumettant les âmes à son despotisme outrancier.  Erigée en institution d’Etat, elle se trouve à l’abri dans son aire de répression et se moque froidement des pressions extérieures dénonçant sa barbarie.  En son temps, l’hérésie fut souvent comparée à la prostitution de l’âme et la Tolérance n’était pas entendue de la même manière par les théologiens du XIIIe siècle, en plein régime de l’Inquisition, lorsque certains citoyens et philosophes revendiquaient la liberté d’expression, et de croyance en vertu des Droits de l’Homme. En Italie, Giordano Bruno en fut un ardent défenseur, la langue coupée avant d’être brûlé vif…. Plus qu’une ignorance, l’hérésie était d’abord une erreur passible de condamnation pour faute lourde et grave, et on ne saurait invoquer l’excuse d’ignorance des Pairs de l’Eglise, dès lors qu’ils revendiquaient la vérité suffisamment révélée par les Saintes Ecritures. L’hérésie constituait en outre un crime contre le droit civil ; et l’hérétique, se trouvait déclaré non seulement un criminel de lèse-divinité, mais se trouvait aussi coupable de lèse-majesté. Les juges estimaient en consé-quence juste d’infliger une double sanction, d’abord spirituelle par l’excommunication, ensuite assortie d’une sanction temporelle par la mort.

Faute d’une signification à la portée plus avantageuse et plus proche de celle de la Vertu, notre conscience n’a que le terme de Tolérance à sa disposition pour freiner les débordements de quelque passion primaire. En fait, la Tolérance n’a jamais offert aucun avantage sinon l’adoption d’une attitude statique. Une métaphore peut la com-parer à un despotisme endormi qu’il faut éviter de réveiller, à défaut une quasi-absolue acceptation, maquillée ou dissimulée, pas plus qu’un élan franc du cœur à contrôler pour réduire toute velléité de réaction au silence absolu. D’ailleurs ce n’est pas sa finalité, celle-ci ne sert que de catalyseur de la tempérance à des répliques défensives plus ou moins violentes, au mieux réservées. Par extension, on tolère ce que l’on ne peut empêcher.

Celui qui est ‘’tolérant’’, tant qu’il est faible, risque fort à l’inverse de devenir ‘’intolérant’’ si sa puissance s’accroît. Le terme de Tolérance implique trop souvent, dans notre langage, soit une attitude de politesse ou d’élégance dans le meilleur des cas, soit d’indifférence ou de pitié sinon de mépris dans le pire des cas. Ces sentiments se forment dans une conjecture d’extrêmes positions d’un côté comme de l’autre, si bien que la Tolérance reflète une couverture presque avilissante de la dignité humaine, pour celui qui est un tolérant forcé qui s’oblige à ne pas s’offus-quer. Dans de telles circonstances, nombreux sont ceux qui ne l’ont jamais assimilée à une notion de vertu, mais seulement à un minimum de condescendance imposé au titre du savoir-vivre.

La Tolérance cache souvent sa sœur bâtarde surnommée Tolérantisme, qui n’est autre qu’une option dérivée de la tolérance manifestée par la ruine de tout échange critique. Pour le partisan de la compréhension et de l’indulgence, réside une situation intermédiaire et paisible, mais tribu-taire d’une certaine tolérance affichée, dans laquelle ce dernier ne s’aven-turera certainement pas dans une argumentation justifiant sa position, mais plutôt pour adopter la fuite en se plaçant dans le mutisme. L’indulgence et la compréhension apparentes ne sont autres qu’un comportement systématique de tolérance, c’est-à-dire la déroute de tout débat conciliateur et constructif, un total nihilisme de l’esprit qui conduit irrémédiablement à une atteinte dommageable à la loi morale et sociétale.

Dans l’espace profane contemporain, l’individu ne réclame pas la tolérance, mais seulement le respect de ses opinions qui ne s’inscrivent pas dans un rapport de force, mais seulement dans un rapport d’idée, sans l’empreinte d’une idéologie marquée.

Par son art et sa magie, la Franc-Maçonnerie donne une suave saveur à tous les termes qu’elle veut intégrer dans son vocabulaire. Ainsi, elle ne pouvait délaisser celui de la Tolérance. Ce choix est-il fâcheux ?   Y a-t’il une lecture initiatique de ce mot auquel l’Institution voudrait donner son patronage, l’ériger en idéal ou en vertu humaine ?  Ne faisant plus retour sur son sens profane ou son acception religieuse, essayons alors de décoder son sens maçonnique. Incontestablement, la Tolérance vue par le vocabulaire maçonnique semble posséder une consistance sémantique plus riche et plus généreuse se mêlant artificiellement à l’Amour et à la Fraternité.  Ce ‘’bouillon sirupeux’’ peut se transformer alors en un catalogue de conduites ‘’maçonniquement’’ correctes. Et si cette alchimie réussit  pleinement,  les Frères et les Sœurs  y trouvent  un véritable idéal pour devenir leur Pierre philosophale.

Par sa particularité, le milieu maçonnique semble se situer dans une autre dimension que celle du monde profane. En se tenant à la logique de ce constat, tout ce qui contribue à influer sur l’esprit et la morale de la Franc-Maçonnerie répond à une traduction intellectuelle différente de celle des conceptions profanes. Chaque mot prend alors une valeur plus consistante et plus somptueuse dans sa substance même. Ainsi, cette tolérance doit être vue sous un angle plus large car elle est pratiquée dans le contexte maçonnique. Arbitrairement et pour les besoins de notre langage propre, nous l’avons retirée de sa gangue profane pour lui offrir la qualité de vertu. Mais la tolérance maçonnique, promue au rang de vertu, ne doit pas baisser sa garde car la vigilance est toujours de rigueur. Toute vertu abusée et dégénérée, par le laxisme ou la compromission, perd son sens et elle dépérit. La tolérance maçonnique, telle que nous la concevons, tient compte et honore la vitalité d’autres consciences que la nôtre. C’est par l’exercice de l’intelligence, par le raisonnement que nous parvenons à accepter avec indulgence les attitudes de l’autre et à reconnaître qui est-il, tout en admettant son légitime attachement aux mêmes droits que les nôtres, dans sa quête du bonheur et d’une affirmation de soi. Notre propre existence dépend de la réciprocité de l’existence de l’un pour l’autre, tandis que certains ne souhaitent être reconnus qu’au travers du regard d’autrui. C’est à travers le regard d’un Frère posé sur nous, que nous pouvons rectifier immédiatement le sens humain, parce que le souci du bien de l’autre est à la source de la Fraternité des Hommes. Platon, lui-même, démontrait la véritable tolérance par le jeu intellectuel de ses nombreux dialogues contradictoires, où la confrontation paisible et constructive des idées ne pouvait que privilégier la compréhension et la connaissance de l’autre. La Franc-Maçonnerie s’inspire avec bonheur de l’œuvre de Platon pour préserver une place convenable à la Tolérance dans le panthéon des vertus humaines. Chacun de nous la définit et lui donne sa place selon son degré de sagesse, son idéal, sa sensibilité et sa conception du monde et des hommes. La Tolérance, telle que l’esprit maçonnique l’a conçue et admise, n’est que la loi et la voix du cœur. Si, elle est livrée à la bonne volonté des Frères et Sœurs, elle reste cependant un maillon trop faible ou oublié de la Chaîne fraternelle. Parce que nous sommes Francs-Maçons, nous sommes au fait même de l’animation de cette Chaîne qui tisse l’Amour entre tous, chacun avec ses faiblesses et sa force, et nous pouvons alors accepter sans contrainte les écarts entre tous.

           Il nous appartient de cultiver l’acceptation de la différence et non de rejeter l’indifférence. Cela est notre Force, et le Rite nous accompagne dans cette harmonie, comme nous acceptons les différences entre tous les Rites, parce qu’aucun n’est comparable à un autre.  Ainsi, ils ont chacun leurs options et leurs adeptes. Parce que ces derniers sont rassemblés au sein d’un Ordre ou d’une Obédience, que toutes ces Institutions forment une grande famille, dans laquelle notre fratrie se trouve placée au sein du Rite Ecossais Primitif ; et tout comme les Initiés d’autres branches maçonniques, ils se retrouvent unis dans un Rite qui est celui de leur choix.

Les trois mauvais Compagnons reflètent l’ignorance, le fanatisme et l’envie et les Maîtres partis à la recherche du corps d’Hiram incarnent le Savoir, la Tolérance et le Détachement des vices.

J’ai dit.

(Travail déposé sur le site en décembre 2020)