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Cherchant, persévérant et souffrant

       Morceaux de textes choisis          

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Travail La voie du cherchant, persévérant et souffrant
Thème    Quelle voie initiatique pour le Rite Ecossais Primitif 
Auteur ….Elisabeth Mutel

A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers,

Nous souhaitons, au travers de cette rédaction, axer la réflexion sur trois points pour donner un aperçu de la perception de la voie spirituelle avancée par le Rite Ecossais Primitif :

  1. la notion de Grand Architecte de l’Univers,
  2. la voie initiatique,
  3. la recherche symbolique.

Nous tenterons, tout au long de ces lignes, d’entrevoir comment ces questions peuvent être rapprochées de la Tradition écossaise, afin de dégager une esquisse de définition de la voie spirituelle au Rite Ecossais Primitif.  Le Rite Ecossais Primitif ne se réfère à aucune divinité révélée mais seulement à la Bible ouverte au Prologue de l’évangile de Jean, laquelle reste la première des trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie, tandis que tous les Travaux et les morceaux d’Architecture sont dédiés, non pas à l’Ordre, mais au Grand Architecte de l’Univers.

Pour entendre ce que recouvre l’expression ‘‘A la Gloire du Grand Architecte de l’Univers’’ et sans se lancer dans d’ennuyeuses considérations philosophiques, il paraît utile de rappeler deux notions, celles de théisme et de déisme.Ces deux théories sont mises en opposition dès le XVIIIe siècle pour mettre en exergue monothéisme et pensée déiste qui ont des fondements très distincts, d’où découlent deux doctrines en contradiction, dont chacune rejoint une sensibilité personnelle. Par la confrontation des pensées associées à la démarche d’une Ecole de spiritualité, que constitue la Franc-Maçonnerie de Tradition, seule une étude attentive est en mesure de dégager les convergences et les divergences fondamentales entre ces deux concepts, que sous-tendent la position du théisme et celle du déisme. Pour bien comprendre et pouvoir se situer sereinement dans une démarche initiatique conjuguée à la spiritualité, il y a lieu de bien intégrer la définition de ces mots-clés.  Ces deux spiritualités vont parfois jusqu’à s’opposer au Siècle des Lumières, et recouvrent des concepts très éloignés, d’où découle un cheminement différent.

         Le théisme est la Doctrine qui admet l’existence de Dieu et son action providentielle dans le monde. Il confirme la révélation de Dieu en trois personnes, Dieu le Père, Dieu le Fils et le Saint-Esprit. Le théisme implique la Transcendance et l’Immanence, la Révélation par les Ecritures et par la Nature, l’Alliance de Dieu avec les Hommes, la relation personnelle et intime de l’Homme avec son Créateur, l’Amour de Dieu pour l’Homme et l’Amour de l’Homme envers Dieu. Le théisme suppose le désir d’accomplir librement la Volonté de Dieu en réalisant son Plan divin sur Terre, car l’Homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Enfin, le théisme soutient que l’Homme n’a pas de fin en lui-même, mais par la Révélation divine et l’usage de sa Raison, l’Homme reconnaît Dieu à partir de ses Créatures et de la Création. Selon Pascal, la foi et la raison peuvent cohabiter harmonieusement en se complétant mutuellement. Pascal affirme que la foi permet d’accéder à des vérités qui dépassent les capacités de la raison, tandis que la raison permet de comprendre les vérités accessibles à la foi. Si le théisme donne une légitimité à sa doctrine, il reste insuffisant pour l’accomplissement de l’Homme en quête de Lumière. Indépendamment de toute croyance, la Franc-Maçonnerie au REP (et en d’autres Rites) est adogmatique rejetant tout dogme chrétien, sans écarter ceux de nos Membres qui adopteraient la seconde théorie.

S’agissant du déisme, son fondement désigne le principe du rejet de toute Révélation et appelle seulement une croyance en l’existence d’un Dieu et à la religion naturelle. Dans le Déisme, Dieu est un concept qui répond à des formes académiques, dont on se contente de reconnaître l’existence en tant qu’Être suprême, mais sans la révélation. Le déisme retient la neutralité de Dieu. Dieu est un être pur ou une pensée pure. Il est éternel et immuable, excluant tout rapport avec le changement et le devenir. Cependant, dans la notion de déisme, la continuité reste d’essence entre Dieu et l’Univers. Il est Dieu ordonné à lui-même et il n’intervient pas dans le Monde. Le déisme préconise une forme d’abstraction et de système philosophique, tout en revendiquant le statut de « Religion naturelle dans les limites de la raison ».  Ce dernier enseignement et ce recours à la Divinité conduisent les Hommes du XVIIIe siècle à se focaliser sur une nouvelle Philosophie, qui connaîtra un large succès à une époque propre au vieux Continent sous l’appellation du Siècle des Lumières.

Le déisme met en évidence l’inutilité et l’impossibilité du dialogue entre Dieu et l’Homme, pas davantage entre l’Homme et Dieu, parce que Dieu est un Principe et que l’on ne dialogue pas avec un principe abstrait, d’où l’individualisme de l’Homme par rapport à Dieu et son Créateur.  Aussi, le déisme va servir de ‘‘référentiel’’ à des Ecoles de Pensée. Celles-ci se prononcent à la faveur d’une pensée prise comme unique source divine d’entendement. Ce n’est qu’à partir de la pensée et au moyen de la seule raison humaine, que l’homme parviendra à son perfectionnement et à son parfait accomplissement.

Dans cette dernière résolution, il y a un rapprochement évident avec la conclusion donnée en fin de notre paragraphe sur le théisme. De la sorte, nous sommes conduits à considérer une dualité déisme/théisme dans les Rituels maçonniques, ses adeptes travaillant « A La Gloire du Grand Architecte de l’Univers ». C’est pourquoi face au déisme, il convient de reconnaître et admettre une certaine ambivalence et une coexistence qui rapprocheraient le REP du théisme. Ses Rituels d’une part, invoquent la Suprématie de Dieu à l’origine de la Création de l’Univers, et d’autre part font foi dans le progrès humain, au travers des Œuvres accomplies par tous les hommes, créés par Dieu Tout-Puissant à son image, lesquelles Œuvres se placent dans le prolongement de celles commencées par Dieu.

En d’autres termes, nous sommes à même de considérer que le Rite Ecossais Primitif s’inscrit dans une conception adogmatique, selon laquelle la plus large tolérance est appliquée sans privilégier une thèse au profit d’une autre. Chaque Maçon du Rite Ecossais Primitif est alors libre de se forger ses propres convictions, de les garder, les revoir ou d’en changer. Plus simplement, le Rite Ecossais Primitif se veut être empreint d’une d’une forte spiritualité d’essence chrétienne.

….      Mais qu’est la spiritualité ?

C’est une doctrine affirmant l’individualité de l’âme, c’est-à-dire l’existence d’un principe spirituel, distinct et indépendant du corps ; une doctrine qui proclame la supériorité de l’esprit sur la matière, même si l’activité et la pensée de l’Homme en sont dissociées.  Elle affirme, outre la spiritualité de l’âme, la croyance en l’existence de Dieu et la reconnaissance de valeurs morales, de vertus auxquelles l’Homme adhère dans ses actes, y compris donc ceux les plus rationnels. Chaque Maçon écossais primitif, avons-nous dit voici quelques lignes plus haut, est en conséquence libre de ses croyances et de ses convictions sans les imposer à autrui, parce qu’il ne souscrit à aucune forme d’intolérance.  Notre Ordre initiatique, qui se réclame du Rite Ecossais Primitif, pourrait qualifier le Grand Architecte de l’Univers à la manière des Rites Egyptiens alléguant un « Principe Ordonnateur que l’on peut évoquer sous de multiples appellations » parce que « la raison humaine est aussi impuissante à définir autant qu’à nier », ainsi que le propose Robert Ambelain. Dès lors, le Rite Ecossais Primitif est indissociable du G.·.A.·.D.·.l’U.·.

       Son message spirituel doit donc s’en inspirer et mettre en œuvre son intransigeante définition. En fait, le G.·.A.·.D.·.l’U.·. peut se cacher dans le cœur du cherchant, car Il sait bien que l’Initié, qu’il est, finira par le trouver, pourvu que ce cherchant ne ménage ni son temps ni ses peines. Cette graine minuscule semée dans le cœur de l’homme pourrait bien devenir l’habitacle du G.·.A.·.D.·.l’U.·.  Pour l’Initié, la découverte de sa faculté d’abriter une force nouvelle est la base de sa reconstitution dans la régénération d’une personnalité d’une nature tout autre, voire véritable, et non celle artificiellement façonnée qu’il reçut sans vouloir la rejeter. Sa nature dite superficielle était uniquement vouée à la satisfaction de ses besoins primaires et matériels, de ses plaisirs personnel. En outre, sa nature soucieuse de l’apaisement des malheurs individuels, sans se douter que ses joies et ses peines ne dépendaient pas seulement du monde des hommes, mais étaient la conséquence de circonstances et d’épreuves prises sous l’angle d’un signal d’alarme et d’un clignotant de perte de repères. De constats d’analyse et d’observation, de questionnements en projection, d’échanges avec ses Frères jusqu’au regard scrutateur posé successivement et/ou concomitamment dans les deux espaces -temps et lieux- qu’il côtoie, le Maçon aborde et envisage de s’emparer de son destin par ses propres conclusions qui émergeront de son esprit. C’est lui qui trouvera réponse à la place qu’il occupera et à l’accomplissement qui sera le sien dans le microcosme du Temple, autant que dans son for intérieur.  En revanche, à l’extérieur, dans le monde profane, il sait ce que le société attend et espère de lui, et ce que lui, il peut donner à l’autre.

C’est après avoir reçu la Lumière, que le Récipiendaire soupçonne derrière toutes les apparences de la vie fallacieuse une vie différente de celle vécue jusqu’alors. C’est seulement en sortant de lui-même pour se retrouver dans une voie intérieure, que se dessine le processus des questionnements. Cela prend du temps, beaucoup de temps.  Pendant une longue période, c’est une donnée bien vague, une petite flamme à peine perceptible, jusqu’au moment où, dans une direction, par suite d’une lecture, ou par n’importe quel autre appel, l’Initié distingue plus clairement cette voie ; il devient alors un Cherchant-Explorateur et il ne tâtonne plus au hasard.  Sa quête de recherche a enfin pris un sens.  Quand cette perception lui parvient, l’Initié ne connaît plus d’obstacles, et sa délivrance devient une nécessité dont il prend conscience. Il cesse de se fier aux apparences comme il l’a fait sans cesse jusque-là, car ses propres expériences lui ont appris que ses sens pouvaient le tromper ou l’aveugler, et que toutes les méprises de son esprit provenaient d’une foi bienveillante abusée par de mauvais Compagnons aux faux témoignages.

Les choses visibles ne sont rien de plus en elles-mêmes que des apparences et nous devons, pour les connaître, les pénétrer en leur essence. Mais, quand l’homme est arrivé à ce stade, la possession d’objets, auxquels il était sensible, a bien diminué de valeur à ses yeux. L’Initié aspire à la Lumière éternellement lumineuse, à ce qui ne peut ni mourir ni changer et c’est alors qu’il devient d’un cherchant, un persévérant, un souffrant, un homme en quête de la Connaissance. Partir à la recherche du G.·.A.·.D.·.l’U.·. se conçoit dans une volonté déterminée à vouloir approcher l’inaccessible Etoile, telle que l’a chantée Jacques Brel.  Que de frustrations mais aussi que de découvertes sur ce chemin… Et quel chemin plus adapté, mais plus exigeant aussi, qu’il empruntera pour le conduire dans la voie initiatique et symbolique proposée par le Rite Ecossais Primitif.

Que faut-il entendre par voie initiatique ?

         Au risque de surprendre, une tentative de définition nous autorise à mettre en exergue quelques versets du Livre de la Genèse :  « Yahvé dit à Abram : Va-t’en de ton pays, de ta parenté et de la maison de ton père vers le pays que je te montrerai. » ; et de poursuive avec des versets de l’évangile de Jean « Et les deux disciples l’entendirent et voyant qu’ils le suivaient, Jésus leur dit : Que cherchez-vous ? Ils lui dirent : Rabbi (qui veut dire Maître) où demeures-tu ? Il leur dit : Venez et vous verrez. »  Ces lignes sont à prendre non pas en tant que Parole révélée, mais à lire comme le symbole d’un préambule en lien étroit avec notre sujet.

Le vocable ‘‘initiation’’, selon le dictionnaire Littré, s’articule autour de deux axes :

  1. Pour nos prédécesseurs, c’est l’action d’initier aux Mystères. C’est aussi la cérémonie qui accompagne la Réception propre à un Rite initiatique.
  2. C’est la première introduction à certaines Instructions secrètes ou élevées.

Le but de l’Initiation, en bien des civilisation, consistait à permettre à l’individu son passage aux étapes successives de la vie, notamment l’une d’elles importante entre toutes : le passage de l’enfance à l’adolescence qui, bien souvent, s’accompagnait de la sortie du groupe Mater pour aller vers le groupe Pater. Ce passage particulier se déroulait en une cérémonie collective, sous la conduite et l’autorité des Anciens de la tribu. Elle était signe à la fois de nouveauté pour l’individu et de continuité pour le groupe.

         Dans notre société moderne, la connaissance est trop souvent confondue avec le savoir, et la seule préoccupation de l’homme est l’acquisition maximale du savoir, sans chercher les particularités et la globalité, en se heurtant aux frontières étriquées d’un rationalisme anticonformiste. Malheureusement, trop souvent tout lien avec le passé, désormais désuet, est considéré comme un frein, parce que seule la nouveauté trouve grâce aux yeux des acteurs. La Tradition est alors ignorée jusqu’à être marginalisée, étant précisé qu’il s’agit bien de la Tradition initiatique et non d’un usage rituel folklorique. L’homme est aujourd’hui projeté dans une course haletante sans attache avec le passé. Tous les grands systèmes structurants ont implosé, qu’ils soient économiques, sociétaux ou religieux. Aussi, il y a lieu de chercher un point d’appui et des références. Ne répète-t-on pas à l’envi que nous vivons une crise des valeurs, que nous souffrons d’une absence de sens ? C’est probablement vrai et c’est pourquoi la voie initiatique est, peut-être, aujourd’hui l’une des voies susceptibles d’apporter des réponses, non pas en les offrant, mais en permettant de les trouver.

L’homme éclate, morcèle, doute et souffre. Attaqué de toutes parts dans ses certitudes terrestres, ne posant ses pieds que sur les sables mouvants de la pensée contemporaine et/ou de la pensée unique, il garde les yeux écarquillés d’incompréhension sur la perception du fossé, qui se creuse entre le progrès matériel et la réalité de la souffrance humaine.  L’homme des temps modernes, sans indice, se jette sur les premières bouées qui flottent et s’agitent. Sectes, charlatans, violence, extrémismes politiques et religieux sont les recours amers du désarroi susceptible de le perdre davantage encore, et non ce qu’il pourrait croire être un secours salvateur.  Les questions sont innombrables, les besoins sont énormes et des esprits peu scrupuleux s’empressent d’y répondre pour mieux profiter de l’errance de l’homme qui s’interroge. Parfois d’autres fournissent des réponses simples, quoique certaines sans fondement, pour donner naissance à des best-sellers mondiaux qui apportent du rêve, à l’exemple de « l’Alchimiste » de Paulo Coelho. Cet ouvrage est à la Connaissance ce que le Larousse de Poche est à l’Encyclopédie : un ersatz bon marché, facile d’accès, qui sans être un aboutissement présente une invitation à aller plus loin dans un roman utopique. Mais, encore faut-il préciser que tout ceci n’est que le reflet de mon humble avis.

Et la souffrance…, elle, … est toujours là, diffuse, sournoise. Nous pouvons certes la calmer par des remèdes, des addictions, des objets compensatoires, des illusions, de l’optimisme et du temps si possible dans la joie et la bonne humeur ; mais au bout du compte ces moyens remplissent-ils une vie ?  Peut-on passer notre vie à ne chercher que des réponses au « comment ?» des scientifiques, sans avoir trouvé les explications à nos attentes et nos interrogations. Comme le disait Leibniz au XVIIIe siècle :  « Pourquoi y a t’il quelque chose plutôt que rien ? ». A cette interrogation, nous pourrions rajouter : « Suis-je intégré dans ce quelque chose ? ». Accepter la question et accueillir les doutes consistent à s’apprêter à emprunter la voie initiatique ou se préparer à se mettre en chemin. C’est là aussi le sens du mot Initiation en tant que commencement.  Et l’on sent nettement naître la dynamique nécessaire, le sursaut qui pousse à la quête, la volonté d’entreprendre le voyage, la décision d’approcher sereinement l’inconnu et la traversée du désert, le déséquilibre qui est la genèse du mouvement. Nous pouvons nous référer à Vladimir Jankélévitch selon ses termes : « L’homme retrouve son innocence quand il retrouve le sens de la marche, quand il obéit à la vocation naturelle du mouvement qui est d’aller et de progresser ».

Revenons à notre introduction symbolique de l’appel entendu, de cette petite voix qui, au fond de nous, refuse de se laisser endormir et qui réclame.  Qui réclame quoi ? Peu importe pour l’instant. L’essentiel est de l’entendre, de l’écouter, tout en acceptant de n’avoir pas de réponses immédiates. Se mettre en mouvement c’est partir du postulat que la question n’est posée que parce que la réponse existe, c’est pourquoi la recherche s’impose et anime le cherchant.

Reprenons la Bible présente durant les Travaux en Loge, et qui est pour nous, non pas le livre de la Parole révélée de Dieu, encore que rien ne nous empêche à titre personnel de la considérer comme telle, mais plutôt comme la référence incarnée par son statut de première des trois Grandes Lumières de la Franc-Maçonnerie.  Ouverte au Prologue de l’évangile de Jean, la Bible est la source lointaine de nos symboles et constitue pour une large part notre fonds culturel. Le Prologue de cet évangile dit : « Au commencement était le Verbe. Et le Verbe était auprès de Dieu. Et le Verbe était Dieu. » Pour nous Francs-Maçons, seul le sens symbolique menant à une interprétation initiatique doit être retenu, comme l’a écrit Henri Tort-Nouguès (GM de la GLDF) :  « une partie  de  l’absolu est objet de connaissance  par  l’homme sous forme d’un logos, d’une Parole ; cette Parole a créé le monde, l’ordre qu’elle lui a donné est lumière et vérité et pourtant des ténèbres résistent à cette lumière et à cette vérité. Le programme de l’initiation est là tout tracé. »

Nous citons également Michel Barat (également GM de la GLDF) :  « La pratique initiatique est une découverte en soi d’une parcelle de lumière qui participe à la lumière du monde, et le progrès dans la voie initiatique consiste à développer cette étincelle et à rassembler les étincelles éparses dans la diversité des hommes pour faire de l’humanité le temple de la Vérité ».

La voie initiatique et le symbolisme

         Elle réside dans le fait pour l’homme d’aller à la recherche de la lumière, sans se satisfaire de la Révélation que donne la Lumière. La Voie initiatique est une quête qui repose sur un pari : l’existence d’un sens pour l’homme et par l’homme. C’est croire à un monde ordonné et chercher au fond de l’Univers la Connaissance. Cette voie initiatique ne peut pas être parcourue en solitaire. Très vite confronté à ses propres limites, le Récipiendaire tâtonne, hésite et souffre en fait de «consanguinité intellectuelle». La voie initiatique est une aventure individuelle et personnelle qui se vit collégialement en communion avec les autres. C’est cette aventure commune et partagée qui fonde notre chaine d’union et scelle notre Fraternité. Les limites ne sont plus siennes, elles deviennent NOS limites, et sans cesse en mouvement nous repoussons les limites de tous les Membres de la Chaîne fraternelle. L’Initiation est une ouverture sur soi et sur les autres.  Elle est une méthode au sens où l’accouchement devient la première étape de l’Œuvre. Car l’Initié est devenu un homme nouveau et c’est bien d’une naissance qu’il s’agit, d’une re-naissance à la fois individuelle et collective. C’est renaître à soi-même, c’est pressentir sa propre globalité et vouloir la construire. L’Initiation est un acte de création tel que l’a compris Edouard Schuré : « L’initiation, c’est la création d’une âme par elle-même ».

Le travail appelle les outils et les symboles  

         C’est là le rôle dévolu aux symboles, qui ne sont pas une fin mais un moyen : ce sont des instruments d’investigation.  « Le symbole est un objet du monde connu qui suggère quelque chose d’inconnu ; c’est le contenu exprimant la vie et l’inexprimable » selon la définition de Jung.  Le symbole est le signe qui montre le mystère. Jean Mourgues (GODF) le définit ainsi : « le symbole est, au sens initiatique, le moyen technique d’analyser le réel, il en est donc non seulement la formule mais la représentation ; non seulement l’image mais le médiateur qui rend intelligible le domaine où il se situe. Ce n’est pas nous qui lui donnons un sens mais c’est lui qui nous permet de donner un sens aux choses dans la mesure où nous les situons par rapport à lui. » (fin de citation). Le symbole agit sur nous par sa capacité d’action globale tant sur le plan intellectuel que sur le plan sensible. C’est Khalil Gibran qui nous dit : « Arrivé au seuil de ce que tu dois savoir, tu seras au seuil de ce que tu dois ressentir ».  Mais ce travail et cette voie initiatique ont-ils un but ?  Et existe-t-il seulement un but ? Un terminus au voyage ? Une conclusion à la fin d’un travail émise sans confusion ? Nous n’avons pas évidemment à répondre à ces questions, dont les réponses appartiennent aux Impétrants. Mais finalement cheminer n’est-il pas plus important que d’arriver rapidement au point final, ou si plus précisément, à l’image d’une circumambulation, le point de départ n’est pas autant significatif que le point d’arrivée.  C’est encore vers Khalil Gibran que nous pouvons trouver une symbolique significative dans les mots suivants :  « Je suis voyageur et navigateur. Et tous les jours je découvre un nouveau continent dans les profondeurs de mon âme ».  Si la voie initiatique n’a pas pour seule vocation de conduire vers une reconstruction de l’adepte aux valeurs morales éprouvées, elle reste une porte qui lui ouvre les voies d’une méthode à éprouver pour parvenir à la réflexion.

La Voie Initiatique est un chemin qui conduit à l’essentiel, vers une autre dimension, vers une globalité cosmique. Emprunter la voie initiatique c’est tendre à une perception de l’universel, c’est sentir et viser ce qui va au-delà de ce que l’on est dans l’instant présent.  C’est justement ne plus être de ce temps mais être du Temps, sans limite.  C’est être Homme en Humanité.  C’est ce « lève-toi et marche ! » qui exprime et la volonté et le mouvement, ainsi que la verticalité, c’est-à-dire la transcendance : « Je ne suis pas ce que je suis, je suis ce que je deviens« .

Nombreux sont ceux persuadés que la véritable Franc-Maçonnerie se vit dans les Loges au sein desquelles se pratiquent les Grades symboliques, qui ont pour objet premier de rassembler. Car c’est bien dans le Temple où le Rite est vécu que l’Initiation est ressentie pour mieux nous enrichir, même s’il est loisible à tout un chacun, à force de travail, de poursuivre une réflexion dans le cursus des Grades supérieurs à ceux dits symboliques.  A peu de choses près, dans tous les Grades et Degrés (Rites symboliques, initiatiques et spiritualistes s’entendent), le travail en Loge est d’une richesse inépuisable.  In fine et à la lecture de cet exposé, qu’est-ce qui différencie et distingue encore le Rite Ecossais Primitif des nombreux autres Rites qui parsèment l’univers maçonnique ?

Un sens à donner à la vie

         D’emblée, nous pouvons affirmer que la Franc-Maçonnerie occupe avant tout une place d’échanges et d’études mise à la disposition de ses Membres, et de rajouter le respect dû à ceux qui ont emprunté une voie qui correspond à un idéal d’une conception différente.  Donc, sans prétendre :

  • que le Rite Ecossais Primitif soit détenteur de la Vérité, a fortiori le seul nanti de la Vérité,
  • qu’il conduit à l’unique voie à suivre,

nous pouvons dire en substance que le Rite Ecossais Primitif, volontairement expurgé de tous les colifichets qu’une certaine Maçonnerie a adoptés après 1717.  Indubitablement pur (soit non apuré ou épuré, puisque sans altération et dans une seule version) et sans austérité, le REP propose un chemin certes hors des sentiers battus de ceux de la Franc-Maçonnerie établie, une voie parfois appréhendée de façon chaotique, mais assurément la découverte de soi-même dans un Temple que l’on trouve en se fiant aux étoiles qui constellent le firmament intérieur de chaque Maçon venu rejoindre ce Rite.

Pour terminer cette étude, faisons un retour vers l’Antiquité où les Sages distinguaient le vrai du réel.  Le réel est la nature perceptible.  Au-delà, le vrai relève de l’ordre universel géré par les dieux, l’ensemble des énergies cosmiques qui donnent du sens à la création et luttent en permanence contre le chaos originel.  L’Initiation permet de dépasser le réel et se libérer du connu pour accéder à la Connaissance.  La boucle est bouclée… autour du triptyque : la Foi conduit à la morale, et la morale donne la loi. C’est cette loi que nous retrouvons sur le bijou de l’Orateur qui figure le livre de la loi ou les Règlements généraux de l’Ordre, en application ici comme en tous les corps et milieux sociétaux, familles, cercles amicaux, professionnels, éducatifs, confessionnels,… élargis à l’espace public, où sont réunis pour chacun les codes de la vie en commun.

(Travail déposé sur le site en janvier 2014)